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418              LES DEUX PLATS D'ÉPINARDS.

Celte excellente enfant ajoutait de cette manière à l'instruc-
tion qui lui était donnée la pratique de ia bienfaisance avec
les jouissances qu'elle procure à ceux qui s'y livrent.
   Une parente de mes deux orphelines étant arrivée à Ge-
nève et ayant été informée de leur position, se chargea de les
placer toutes deux et en vint facilement à bout, non sans être
venue me remercier de ce que j'avais eu le bonheur de pou-
voir faire pour Louise et Marie,qui vinrent avec elle me faire
leurs adieux et qui quittèrent ma commune après avoir té-
moigné leur sincère reconnaissance aux deux dames qui
avaient bien voulu s'intéresser h leur sort.
   Moi-même je ne les vis point s'éloigner sans regret ; la
bienfaisance remplit si bien les vides d'une vie inoccupée,
qu'elles en laissèrent un dans mon cœur; c'était un but qui
manqua à mes promenades, une préoccupation qui m'était
douce et que je vis peu à peu s'évanouir dans mon esprit,
mais qui se réveillait pourtant alors que je passais devant les
demeures, abandonnées par elles, où j'avais été les voir si sou-
vent.
   Vingt années s'étaient écoulées depuis leur départ sans que
j'en eusse repu aucune nouvelle,et j'ignorais complètement ce
qu'elles étaient devenues. Mais connaissant les défaillances
du cœur humain en fait de gratitude, j'étais moins surpris de
ce long silence, et même il fut pour moi un favorable augure
touchant la destinée de ces deux orphelines qui oubliaient de
m'en instruire et que je ne parvins pas à connaître malgré les
démarches que je fis à cet égard.
   Je les avais donc totalement oubliées moi-même, lorsqu'il
y a une année ma domestique vint me dire qu'un monsieur et
une dame demandaient à me voir. Je l'invitai à les faire en-
trer, et je fus très-surpris quand une grande et belle femme,
accompagnée d'un fort joli jeune homme, vint se placer en