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' LES DEUX PLATS D'ÉPINARDS. 413 mélancolique dans les jours sombres de l'automne, et dont les charmes divers s'allient si bien avec l'imagination mobile du poète et les graves pensées du philosophe. Mais à ces œuvres de l'esprit et de l'imagination, j'ajoutai constamment celles qui sont d'un intérêt plus vrai, plus élevé pour le chrétien : dans toutes mes promenades je me propo- sai un but philanthropique ; tantôt j'allais m'informer de la santé d'un pauvre malade auquel je portais quelque consola- tion, tantôt je visitais de braves agriculteurs aux travaux et à la famille desquels je m'intéressais , tantôt mais j'oublie que je ne veux et ne dois vous donner qu'un sujet de nouvelle, et que j'ai tort de vous initier à des actions dont on annihile le mérite en les faisant connaître ; je reviens donc à la seule qui concerne l'explication que je vous ai promise des deux ta- bleaux qui choquent vos regards, peut-être autant qu'ils sont eommémoratifs pour les miens. Parmi les infortunés que je visitais il y a vingt ans dans mes promenades quotidiennes, il n'en était aucun qui m'in- téressât davantage qu'un pauvre Heilmathlose, veuf, père de trois enfants, et qui, durant une longue maladie, ayant con- sumé en remèdes le peu d'argent amassé par ses travaux, se voyait à la veille de mourir et de laisser sans soutien ses trois enfants; ses souffrances et sa mort prochaine n'étaient point ce qui le préoccupait le plus, mais le triste destin qu'il pré- voyait pour les deux filles et le garçon qu'il allait quitter en bas âge rendait ses derniers jours amers; il ne me parlait presque pas de lui et des douleurs réelles pourtant qu'il en- durait; non, mais, dans des termes déchirants, il me recom- mandait avec une si vive tendresse sa jeune famille que, pour adoucir sa fin, je promis d'en prendre soin et de le rempla- cer auprès d'elle. Oh ! je n'oublierai de ma vie le regard qu'il m'adressa alors que je pris cet engagement : une joie presque céleste éclata dans les yeux du moribond; il s'em-