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214 SAINT MAURICE ET LA LÉGION TBÉBI'ENRE. « sans les plaindre, et nous nous sommes même réjouis du « bonheur qu'ils avaient eu de mourir pour leur religion. « L'extrémité à laquelle on nous réduit n'est point capable « de nous inspirer des sentiments de révolte. Nous avons les « armes a la main; mais nous ne savons ce que c'est que de « résister, parce que nous aimons mieux mourir innocents « que de vivre coupables. » Cette lettre ne fit qu'augmenter l'exaspération du César qui, le lendemain, a la première veille, poussait des hurle- ments de douleur. Il apprenait du ministre de ses vengances que la seconde décimation venait de s'accomplir sans faire fléchir un instant l'inébranlable fermeté des Thébéens. —'Ànathème sur eux tous, s'écria Hercule écumant. Je les broierai sous mes pieds. Je jure par Jupiter Capitolin que demain, au coucher du soleil, il n'en restera pas un seul. Qu'ils aillent braver les dieux aux enfers ; quant a moi, ils ne me braveront pas plus longtemps. Ma patience est a bout. Il faut un exemple terrible, effroyable qui épouvante les générations à venir et apprenne aux siècles comment un Cé- sar châtie les rebellions militaires. Je ne puis, tu le com- prends, Rietius, laisser survivre un seul de ces misérables. Ils pactiseraient avec les Bagaudes leurs coreligionnaires. Je dois au salut de l'Empire d'écraser dans l'œuf cette ré- volte qui prêterait des forces à celle des Gaules; je lui dois de paralyser parla mort ces bras, hélas trop vaillants, qui ne veulent plus nous servir. » A ces mots la voix du farouche empereur sembla s'atten- drir, et des sanglots la coupèrent. La colère faisait place à la douleur et des larmes emplissaient ses yeux. Rietius le regardait avec étonnement. — Oui je pleure, ami, reprit-il, je pleure, car où trouve- rai-je jamais des soldats pareils à ceux que je vais sacrifier? Ce sont des héros ; et, dix légions comme celle la assure-