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144                         HOMÈRE.

avait erreur des deux côtés. Nous concevons aujourd'hui un
Homère plus vrai. C'est un poète, et un grand poète, mais
différent des nôtres de toute la distance qui sépare notre
temps du sien. îl chantait, non point par métaphore, mais
très-réellement, et sur une vraie lyre, les exploits des
héros de sa race, en y entremêlant d'antiques traditions
religieuses et les libres fictions de son génie. Il chantait,
et n'écrivait pas ; car sa versification est faite non pour les
yeux, mais poar les oreilles, et mille procédés d'improvisa-
tion s'y trahissent encore. Devenus bientôt populaires, tant
par leur beauté que par l'intérêt patriotique du sujet, ces
chants passèrent de rhapsode en rhapsode, toujours redeman-
dés et toujours nouveaux, mais subissant dans cette longue
transmission orale bien des altérations qui nécessitèrent
plus tard la révision de Pisistrate. De là les défauts, les in-
cohérences que les critiques alexandrins, devançant la
science moderne, avaient déjà signalés en partie; de la
aussi peut-être certaines beautés de détail dont nous fai-
sons honneur à Homère faute de savoir a quel heureux cor-
recteur elles sont dues. C'est une concession aux scru-
pules de ceux qui ne peuvent croire qu'un homme, a lui
seul, ait été aussi grand. Ainsi Homère se rapproche de nous.
Naguère, par réaction contre les vues étroites de l'ancienne
critique, on l'avait trop idéalisé, trop reculé dans lelointain;
peu à peu il reprend sa vraie place. C'est ainsi que les doc-
trines humaines s'écartent à droite et h gauche, comme le
pendule ; mais dans leurs oscillations, peu à peu se rappro-
chent du centre, où est la vérité.
                                        H . HlGNARD.