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440 HOMÈRE. deux modèles éternels? Faut-il croire, comme c'était l'opi- nion généralement admise il y a moins de deux cents ans, que ce poète a écrit ses compositions à peu près comme Virgile a écrit l'Enéide ? Ou bien, faut-il nous ranger parmi les sceptiques modernes qui ne voient dans ces beaux poëmes qu'un recueil de pièces d'origine diverse , plus ou moins habilement réunies et soudées l'une à l'autre à une époque relativement très-récente; et qui, niant même l'exis- tence de ce poète tant admiré et tant loué depuis près de trois mille ans, ne voient en lui qu'un personnage légendaire, ou tout au plus (selon une etymologie nouvelle du nom d'Homère) l'arrangeur de ces chants épars dont la réunion a formé l'Iliade et l'Odyssée? Grave et difficile problème, je le répète, qui depuis quatre vingts ans divise les littérateurs et les érudits, qui a fait écrire tant de livres qu'on ne sau- rait les lire tous, (leur seule nomenclature est déjà chose difficile), et sur lequel pourtant il faut absolument prendre parti. Il est sans doute intéressant et instructif de dépouiller les principaux plaidoyers pour et ctmtre la personnalité d'Homè- re, et de peser les raisons alléguées, en faisant son profit de ce qu'elles renferment de solide et de concluant. Car de part et d'autre on a dépensé sur ce point beaucoup de science sé- rieuse, et, comme il arrive toujours en pareil cas, dans cha- cune des deux opinions opposées il y a une grande part de vérité. Parmi ceux de ces plaidoyers qu'il importe le plus de connaître, nous citerons en première ligne les fameux Prolegomcna de Wolf, qui ont suscité le débat; quelques pages brillantes et judicieuses d'Otlfried Muller, dans son histoire de la littérature grecque que vient de traduire M. Hillebrand; une courte mais substantielle dissertation en latin de M. Ernest Havet, sur l'origine et l'unité des poëmes homériques ; enfin les belles et savantes conclusions sur le