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                   LA XAUMACliiE LYONNAISE.              103

 Non, pourtant, je me trompe : il est dansune barque
 Un jouteur tout puissant qu'à l'égal d'un monarque
  La troupe entière craint et révère à la fois,
 Tout en l'aimant, ce qui n'arrive guère aux rois.
 Quand il lutte, il se tient campé, ferme, immobile;
 Nul ne peut l'ébranler : c'est un roc, une pile,
 Et, bien qu'en son pays il ait toujours vécu,
 On ne raconte pas qu'il ait été vaincu.
 D'ordinaire, il s'abstient, tant il a d'avantage.
 Pourtant, la foule ayant demandé, du rivage,
 A revoir les exploits de ses membres d'acier,
 Il se rend à la fin, il oeint le bouclier
 Et d'un poing exercé met en arrêt la lance.
Tout la monde applaudit, puis fait un grand silence.
 Le premier champion qui l'ose rencontrer
 A beau se bien tenir, se fendre et se cambrer,
Le jouteur invaincu, d'une seule secousse
L'enlevant sur ses pieds dans le vide le pousse.
Le second, par un coup aussi prompt que l'éclair,
Est emporté d'emblée et soulevé dans l'air.
On voit se succéder ces impossibles luttes,
Et toutes entraînant de plaisantes culbutes
Delà foule en délire éveillent les clameurs.
Cet Athlète a vaincu la moitié des rameurs ;
Mais, au lieu de pousser sa banale victoire,
Il veut frapper un coup plus digne de sa gloire :
— Qu'on me mène, dit-il, contre le grand bateau ! »
Et les dix avirons se replongent dans l'eau.


Il va, le peuple tremble : à moins d'un vrai prodige,
Le jouteur triomphant va perdre son prestige.
Contre la grande barque on arrive de front,
La lance, en un clin d'ceil, touche, plie et se rompt,
Tandis que le jouteur, ferme encor sur sa base,
Peut à peine porter la gloire qui l'écrase.