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                          DEUX POÈTES PROVENÇAUX.                          471
   0 ma vigne ! à la fin d'août, — quand le raisin tourne et mûrit, — plus
agréable est ta vue — que celle de la mer onduleuse.
   Dans tes grappes si blondes, — qui sur tes pampres nonchalamment
s'étalent, — un moût suave et rose, — goutte à goutte s'amasse.
   La joie gonfle l'alicant, — le rire crève la cournoïse ; — dans la clavette
et Xeblanean (*), foisonnent les chansons gaillardes.
   Puis, quand tes grains se rident, — viennent les tourdres, les jeunes
merles, — les perdreaux, comme attirés par un appeau, — tourner autour
de tes grandes touffes.
   La morille tout en fleur, — dans ta bonté inépuisable, — naît de tes
larmes, — quand je te taille, ô ma vénérable vigne !
   Tu es tout le bien que je possède au soleil, — ô toi, la vieille du terroir '
— Mais tiens-toi fière, bien qu'en peu de temps — un seul araire et
cultive.
   Si d'autres clos sont orgueilleux, — parce qu'aux rois ils vendent leurs
flacons, — des poètes de Provence tu échauffes les chants, — ô ma vigne
des Combes-Masques !

   Une autre pièce charmante, dans un ton différent et
pleine d'une raillerie à la fois fine et indulgente, c'est une
réponse au poète Roumanille qui avait repris M. Mathieu
« au sujet de ses baisers. » Le conseil que donne à son
tour l'accusé au moraliste dans la dernière strophe est un
trait achevé.
    Bien douce est la pensée — bercée — sur l'aile de l'amour ! — Loin de
la contredire — et te moquer de moi, ô troubadour,
    Tu devrais dire à Gathoune : « Donne tes baisers — à celui qui sait t'ai-
mer; — et de lui, sur ton front tiède, — reçois — les flammes du bon-
heur. »
    L'auteur des Songeuses — querelle — mes vers amoureux des jeunes
filles ! — Cependant ta Marguerite — te crie : — « Je suis ce que tu as de
beau.»
    Que diraient les troubadours, — tes pères, — s'ils venaient d'où ils
sont ? — Ils joindraient les épaules, — et pâles — trouveraient tes ar-
guments.
    Si notre vieille école — assemble — tant d'immortels couplets, — c'est
que les troubadours, — compère, — ne chantaient pas seuls.

 (*) Noms des diverses variétés de raisin.