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478 DEUX POÈTES PROVENÇAUX. •— As-tu des frères, as-tu (les sœurs, ou tes parents n'ont ils que toi ? — Je suis l'aînée de cinq. — Toi, l'aînée, jeunette ? -» Un qui s'en va tout seul, un qui tête encore, avec deux autres par-dessus ! — T'a-t-on appris à lire? es-tu allée à l'écob? — Oh ! oui. — Ta com- munion ? — Je l'ai faite l'an passé. — Et où vas-tu ? — Mes parents mois- sonnent, nous sommes pressés ; je m'en vais à la plaine, derrière la colline. Et l'enfant tourna rond parmi les jeunes pins... — 0 beauté, comme il faut que tu sois puissante, pour avoir, un petit moment, de mon coetH'yie ma vie amoureuse ôté le fiel ! On voit combien M. Âubanel, quoique de la même école, ressemble peu à M, Mathieu.Nous comparerions volontiers les poètes Provençaux aux plantes des Alpines ; lavandes et sauges, menthes sauvages et thyms, toutes ont des parfums de même famille, senteurs fortifiantes, salubres, qu'il est impossible de confondre avec les énervantes odeurs des jar- dins, et cependant toutes ont des parfums dissemblables. M. Aubanel sait faire vibrer des cordes que ne possède pas * • la lyre insouciante et artiste de M. Mathieu ; il a des accents plus mâles, plus profonds; la langue de feu delà Pentecôte est descendue sur sa tête, mais M. Mathieu a des finesses plus délicates, des nuances plus discrètes, des ciselures plus achevées. Il écarte les moindres dissonnances d'idée et de style. Nous goûtons peu, au contraire, dans M. Âubanel, l'emploi des mots « varlet, bachelette, oncques » et quel- ques autres qui sont devenus surannés sans avoir le charme des archaïsmes, qu'il faut plutôt chercher dans la tournure que dans le vocabulaire. On ne connaîtrait, du reste, qu'incomplètement M. Au- banel par la partie intitulée le Livre de l'Amour ; dans celle nommée VEntre-Lueur, il se rapproche parfois de ce genre gracieux et familier où excelle M. Roumanille ; la Bessonnée est le plus ravissant tableau de genre; les Tireuses de Soie est un exemple que l'exactitude, la fidélité la plus rigoureuse dans le pinceau, peut ne pas exclure la beauté poétique. Mais M. Aubanel possède aussi ce que nous appellerions le