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LE CHATEAU r>E CARILLAN. 44b manœuvre à dessein, désireux qu'il était de prolonger un charme qu'il ressentait autant que moi, pour le moins. M. Léon Gérard se leva tout à coup en disant : — « Sommes-nous au ciel?... Est-ce sainte Cécile qui louche de l'orgue?... » Puis il ajouta : « Bon ! nous voici à Carillan, et pour longtemps sans doule ! » — Aie doncpilié de lui! dit M. Pivalle à voix basse. — C'est que , répondit M. Léon Gérard , nous serons bien mieux couchés sur l'herbe qu'ici... et le temps nie dure d'y arriver. — Tais-loi! fit encore M. Pivalle d'une voix affaiblie, Julien va te traiter de matérialiste. — Que m'importe? Les matérialistes ne sont-ils pas de beaucoup les plus heureux des hommes ?Toi, tu l'es d'abord... ne t'en défends pas... Eh bien? Nous entendons cette mu- sique céleste sans arrière-pensée ; elle ne nous fait que du plaisir, tandis que lui , « ajouta-t-il en baissant tellement la voix que je dus me rapprocher pour l'entendre, » lui, il souffre, il souffre horriblement et il prend comme un cruel plaisir à raviver sa douleur, à prolonger son lourmenl ! Sais-lu qu'elle est excellente musicienne et son mari aussi !... Il devrait partir, Alfred : il est fou de rester ici... Celte situa- tion fausse et poignante le torture; celte musique le trouble tellement, qu'il nous fera coucher au milieu de quelque banc de sable, où l'on ne pourra ni débarquer ni faire du feu. —Sois tranquille, dit Julien, qui avait saisi l'intention peut- être même ces paroles de son ami, avant deux heures nous se- rons à l'île de Ronchivalle et nous y dormirons. La nuit sera superbe et il ventera jusqu'au jour. Je te remercie de ne m'avoir pas chanté ce soir quelque folle chanson d'atelier, ou fourni quelque autre sotte distraction, comme tu as coutume de faire ici. — J'ai eu tort de ne pas le faire et de ne pas troubler tes