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442 LE CHATEAU DE CARILLAN.
Pendant que Julien me Faisait ce simple et attachant récit,
pour me donner une explication dont j'avais bon besoin sur
sa singulière manière de voyager, mille circonstances autour
de moi éveillaient mon intérêt par leur charme et leur nou-
veauté.
A peine le quai de Dôle s'élait effacé a nos yeux que les
amis de Julien, laissant leurs avirons, avaient dressé la voile
que lui-même prit en main. Alors j'avais pu me rapprocher
de mon ravisseur, tandis que ses compagnons prenaient leurs
aises dans leur barque, comme de bons bourgeois qui se sen-
tent en sûreté au coin de leur foyer. M. Léon Gérard s'élait
couché au fond de l'embarcation, et je ne fus pas médiocre-
ment surpris quand je crus m'apercevoir qu'il dormait.
M. Pivalle, assis à la proue, le dos tourné au mât, fumait
nonchalamment en regardant autour de lui et quittant de
temps à autre son cigare pour chanter quelque refrain sans
suite. Pour moi,placé à l'arrière de la barque, le coude appuyé
sur les genoux de Julien, je ne pouvais revenir ni me ras-
sasier de la nouveauté de cette position et du charmant spec-
tacle qui nous environnait. Je pressais mon ami de questions
à ce sujet. Lui, semblait jouir de mon élonnement, de l'em-
barras que me causaient les brusques mouvements du bateau
secoué par l'effort du vent et surtont du plaisir que je ne
pouvais m'empêcher de trahir à la vue de quelques beaux
sites, qui se succédaient rapidement.
La nuit commençait à tomber, et les rayons mourants du
soleildonnaient aupaysage des teinlesd'or pleines .lecharmes.
Quelque village nous souriait au détour d'un coteau. Au pied
du vieux clocher qui jelail dans l'air les dernières noies de
{'Angélus du soir, les enfants amenaient boire leur bétail Ã
la rivière et nous regardaient, avec de grands yeux ébahis,
passer insouciants et heureux, bercés par le mouvement de la
barque. Un coup de vent produisait bientôt comme un chan-