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416 NICOLAS BERGASSE. publique avait juge avant les magistrats fut très-mal reçue par elle. Les quatorze conseillers qui avaient siégé, et à leur tête l'avocat-général Dambray dont le réquisitoire éloquent n'avait pas peu influé sur leur décision, se virent en butte aux plus absurdes suppositions. Bergasse surtout fut vengé de l'échec personnel qu'on avait prétendu lui infliger. J'ai sous les yeux une brochure distribuée à profusion quel- ques jours après le procès et portant pour litre : Arrêt de cassation du jugement rendu contre Bergasse par l'impar- tiale, l'insurprenable et toujours équitable vérité. « La cour suprême de révision, disait cet écrit, reconnaissant Bergasse pour un excellent citoyen, un auteur de premier talent, un loyal ami du peuple , ordonne que ses mémoires seront imprimés dans tous les formats et déposés dans toutes les bibliothèques pour y servir de témoignage de son génie et de ses vertus... » Mais si Bergasse avait, comme on voit, ses flatteurs, il avait aussi ses détracteurs. Quelques-uns l'accusaient d'avoir sacrifié le banquier Kornmann à un âpre désir de faire par- ler de lui, et le comparaient au philosophe Peregrinus de Lucien, qui, après avoir vainement tenté d'occuper le monde de ses découvertes, s'avisa de convoquer le peuple pour le voir périr sur un bûcher, et se brûla en effet. D'autres, plus Gaulois, rappelaient la fable du renard sortant du puits en se faisant une échelle de l'échiné et des cornes de son ami le bouc qu'il y laissait. On devine que le bouc n'était pas Ber- gasse. « J'ai fièrement attaché, avait- il dit dans un de ses mémoires, la cause de cet înforluné aux destinées publi- ques.... Je me suis dévoué aux haines les plus puissantes pour sauver à la fois ma patrie et mon ami. » L'ami restait peut-être au fond du puits, mais la patrie en était sortie et s'apprêtait à marcher à la conquête de ses immortelles destinées. Bergasse n'avait donc pas perdu son procès.