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400 M. CHENAVABD. « admirer les conceptions bizarres dont la nouveauté a pour « eux tant de charmes, ou ces imitations de l'art antique « dégénéré dont les formes ont a peine retenu les quelques « traces de leur noble origine. Dans nos fréquents entre- « tiens, vous m'avez admis a méditer avec vous sur les œu- « vres des anciens, a les analyser, et vos savantes obser- « vations en faisaient ressortir toutes les beautés. Ces en- « tretiens, Monsieur le comte , occupent une place intime « dans mes souvenirs, et vos doctrines, que je partage, « m'attachent invariablement aux principes du beau dans un « art que je voudrais avoir pratiqué avec plus de bonheur « pour que mon hommage fût plus digne de vous. » — Je m'arrête volontiers a ces lignes, non pour faire ressortir l'élévation des sentiments qu'elles expriment, mais pour montrer par un rapprochement qui ne manque pas d'inté- rêt , la fascination que l'art des anciens a toujours exercée sur les plus hautes intelligences , et la difficulté que pré- sente sa seule imitation. — « Notre Saint-Père, écrivait « Raphaël au comte Castiglione, m'a mis un lourd fardeau « sur les épaules (il s'agit de la construction de Saint- c Pierre) ; j'espère ne pas y succomber. Ce qui me rassure, e « c'est que le modèle que j'ai fait plaît a Sa Sainteté et a le « suffrage de beaucoup d'habiles gens. Mais je porte mes « vues plus haut ; je voudrais trouver les belles formes des « édifices antiques. Mon vol sera-til celui d'Icare? Vitruve « me donne sans doute de grandes lumières, mais pas au- « tant qu'il m'en faudrait. » — Assurément la puissance de l'invention ne manquait pas a ce pur et fécond génie. Il lui eût été facile d'innover s'il y eût attaché sa gloire ; mais, avec le tact et la sagesse de tous les grands esprits il cher- chait des routes plus sûres dans l'étude des modèles de l'antiquité. Une telle modestie nous fait presque sourire au- jourd'hui, habitués que nous sommes à voir tout oser, —