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372 NICOLAS BERGASSE. milier la royauté devant un corps déjà infatué de ses privi- lèges. Les parlementaires avaient cru juger sans appel la cour aristocratique destinée aies remplacer, en disant : C'est un petit lever de Versailles. Mais eux-mêmes n'appelaient- ils pas leur réunion un consistoire de rois? La couronne n'avait-elle rien à redouter de cette assemblée de magistrats presque souverains, jugeant tout le monde et ne pouvant être jugés par personne, percevant desépices au lieu de payer des impôts, jouissant du droit de franc salé comme le roi, tenant sous leur dépendance deux à trois mille officiers de justice qui semaient dans les diverses classes du peuple l'es- prit de dénigrement de l'illustre compagnie? Turgot, qui trouva le parlement systématiquement opposé à ses réformes, se plaignit souvent que M. de Maurepas eût plus consulté en le rappelant ses propres ressentiments contre le dernier règne que l'intérêt bien entendu du règne nouveau. D'autres enfin, remontant dans l'histoire, refusaient au parlement ce rôle de père du peuple et de défenseurs des libertés dont il faisait tant de bruit et le montraient non moins infidèle à la nation qu'à la royaulé. Anglais sous Charles VI et Charles VII, li- gueur sous Henri III et Henri IV, frondeur pendant la mino- rité de Louis XIV, janséniste intolérant et persécuteur sous Louis XV, quelles fautes du pouvoir avait-il empêchées? N'avait-on pas vu MM. les conseillers se laisser forcer la main pour accepter les meilleures lois et chanter joyeuse- ment le Nunc dimittis en enregistrant la révocation de l'édit de Nantes? Ainsi s'exprimait l'antipathie naturelle du parti de la cour contre les parlements; mais celte antipathie ne suffisait-elle pas à expliquer leur popularité? Dans un pays déchu peu à peu jusqu'à l'absolutisme, ils représentaient, dans une me- sure modérée sans doute mais certaine, le contrôle, la discus- sion, la liberté. Aussi l'édit du 8 mai fut-il un signal de révo-