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                      NICOLAS BERGASSE.                    367

    Eût-il été sans alliés, Beaucharmais passait d'ailleurs, non
sans raison , pour un de ces ennemis qu'il est téméraire de
braver. Le brillant pamphlétaire qui avait obtenu justice du
roi contre le parlement, l'auteur d'une comédie défendue à
la ville et jouée en cachette à la cour, semblait avoir peu à
s'inquiéter des attaques d'un avocat dont le nom était à peine
connu à la grand'chambre. L'élonnement fut donc extrême,
quand on vit Bergasse débuter par s'attribuer la victoire avant
de combattre , et montrer son adversaire confondu de
lui avoir donné le temps de riposter. Mais ce fut bien pis
quand il fui démontré par les réponses de Beaumarchais que
l'obscur commensal de M. Kornmann avait eu en effet facile-
ment raison du spadassin littéraire qui avait passé au fil de
sa plume le conseiller Goëzman et le traître Clavijo. Soit que
l'assurance de ce nouveau jouteur l'eût démonté, soit qu'il
eût senti l'iniquité de la cause qu'il soutenait, il est certain
que Beaumarchais resta fort au-dessous de lui-même, et
que cette polémique, violente et diffamatoire des deux côtés,
 ne fut éloquente que du côté de Bergasse. Je ne sais si ce
fut là, comme on le disait trop alors, le triomphe de la vertu
sur le vice, mais ce fut évidemment le triomphe de la consi-
 dération sur une réputation équivoque. Beaumarchais, qui
 n'était peut-être, comme le pense son récent et spirituel bio-
graphe, qu'un intrigant de génie affamé de renommée et de
fortune, passait pour s'être rendu coupable des plus noirs
forfaits. On conviendra que l'avocat de Kornmann avait beau
jeu pour accabler de son mépris un adversaire qu'une rumeur
injuste accusait d'avoir fait périr sa femme et son beau-père
 afin d'en hériter. Peut-être même dépassait-il le ton du pam-
phlet quand, pour répondre à une basse calomnie de Beau-
marchais, il s'écriait, dans un tour de phrase énergique et
nouveau : En vérité, cet homme-là sue le crime ! Mais le
mobile inspiraleur de Bergasse, ce ne fut ni la violence de