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312 CNE CURE HÉROÃQUE, l'Esculape désobéi aux festins dans lesquels il étalait son mépris pour ses prescriptions , et le docteur, plus ravi par la cuisine du goutteux que courroucé de son entêtement, partagea le régime qu'il ne pouvait interdire, par dévouaient sans doute, et pour diminuer d'autant les excellents mets de celui dont ils devaient augmenter les souffrances. Toutefois le mal empirait si bien, qu'il cloua le marquis dans son fauteuil et que ses pieds refusèrent tout service. Alors il conçut quelques doutes sur les suites fâcheuses de son intempérance, et commença à regarder avec défiance les bons morceaux de son office, il en mangeait moins et trouvait affreux d'être obligé de les considérer comme les ennemis de sa guérison. Les flacons de vins exquis étaient enlevés de sa table à peine diminués ; sa cuisinière même lui inspirait quelque effroi. Il laissa passer les grives sans y mordre et les bécasses sans y toucher ; son humeur s'as- sombrit; enfin, vaincu par les douleurs , il tomba pieds et poings liés à la merci de son médecin, et courba le front sous le joug de ses moindres prescriptions. M. de Gorifa avait toujours été religieux ; le secours que ce penchant apporte à nos souffrances ne lui fit point défaut, et la lecture du Nouveau-Testament versa dans son cÅ“ur la patience de la résignation ; mais ce ne fut jamais sans une douloureuse émotion qu'il y vit la bienveillante mansuétude que le divin Maître témoigna pour une douce joie et pour le vin qui la lavorise ; les noces de Cana le plongeaient dans une morne tristesse , et l'idée de ne pouvoir se livrer aux épanchements d'un festin lui rendait plus amers le jeûne et les privations de toute nature qu'il devait subir en vue de diminuer des accès qui ne firent que s'aggraver et devinrent plus fréquents. Un jour une lettre lui parvient d'Evian, de la part d'un médecin de passage nommé Survilliam. Il lui offrait de le