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UNE CURE HÉROÃQUE. 313 guérir, lui prônant, entre autres cures faites par lui, celles de deux nababs del'Indoustan, d'un prince valaque, d'un pacha du Maroc et d'une multitude d'autres personnages, moins illustres, sans doute, mais aussi goutteux. M. deGorifa avait déjà été mitraillé par des orviétans etdes recettes de toute sorte, aussi infaillibles suivant leurs auteurs que sans résultats a leur emploi, car déjà à cette époque brillait la charlatanerie ; mais elle n'avait pas été consacrée, comme de nos jours, par la publicité retentissante de la quatrième page des grands journaux. On ne lisait point l'annonce de ces innombrables speciflques garantis par la Faculté,encadrés de lithographies séduisantes, escortés des cures miraculeuses opérées par eux et nous promettant une santé imperturbable en attendant qu'ils aient la naïve préten- tion de nous rendre immortels, ce qui ne saurait tarder, h ce point qu'on serait tenté d'accuser de stupidité l'espèce humaine qui consent encore a être malade et à subir des infirmités dont il lui serait si facile de se préserver ou de se délivrer. Le marquis, séduit par les cures illustres obtenues par le sieur Survilliam, se décida à l'appeler auprès de lui, et l'Hippocrate ambulant arriva dans un équipage a deux che- vaux, avec deux laquais en livrée, dont l'un vint annoncer la visite de son maître au patient en butte dans ce moment même à d'atroces souffrances. Survilliam était un fort bel homme, a suaves manières, dont le langage annonçait le commerce habituel du grand monde ; son élocution était facile. Il interrogea le marquis sur les causes auxquelles il croyait devoir attribuer l'origine de la goutte, et le malade répondit en g-émissant, mais avec candeur, que son penchant a la bonne chère pourrait bien en être la source. — Quoi, Monsieur, lui dit le decteur, vous ne sauriez faire un pas et vous êtes condamné a une complète immobilité ?