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DE FOURVIÈRES. 377 et les croyances sont plutôt le résultat de l'impression et de l'habitude que du raisonnement. Lorsque les masses devien- nent raisonneuses , elles perdent bientôt la foi. Vous crierez tant que vous voudrez à la superstition : il n'en est pas moins vrai que si vous substituez à la madone actuelle de Fourvières, informe spécimen de la naïveté antique , mais avec laquelle les yeux des nombreux pèlerins sont familiarisés, une Vierge irréprochable au point de vue de l'art , la confiance et la dévotion diminueront considérablement. Il est des habitudes que des philosophes froids et secs appelleront superstitions, et que d'autres , plus instruits de la nature de l'homme , respecteront. Joseph de Maistre a dit : « La superstilion est un ouvrage avancé de la religion , qu'il ne faut pas détruire; car il n'est pas bon qu'on puisse venir sans obstacle jusqu'au pied du mur en mesurer la hauleur et planter les échelles (1). » - La cause des regrets, qui ont accompagné la disparition du vieux Fourvières, a donc sa source dans un sentiment, qui pour moi est très-respeclable et très-honorable. Le progrès moderne tend à effacer toute couleur locale, et, pour par- venir à son but, il cherche à détruire le culte pieux des souvenirs. Les hommes qui résistent un peu à cet effacement général sont représentés comme des êtres ridicules. On a poussé l'oubli de la convenance jusqu'à plaisanter grossiè- rement sur cet héritage d'ordre et de probité , qui distingue encore parmi nous beaucoup de familles, et qui nous empêche de suivre le pas progressif de la capitale du monde civilisé. (1) Soirées de Saint-Pétersbourg, t. 2 , p. 264. Lyon , 1822. Je ne prends pas à la lettre cette apologie delà superstition. Le bon sens des lecteurs saura parfaitement poser la limite , et si je cite un passage du célèbre écrivain , je déclare cependant que j'ai peu de sympathie pour ses terribles doctrines.