Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
266                        J. AUTRAN.
et qu'ils ont le droit de parler ou de gémir dans la langue des
dieux. Un sujet grec, un théâtre éclairé par le soleil d'Athènes
vont bien à la poésie de M. Autran, dont la chaude couleur mé-
ridionale évite partout, avec un goût parfait, les excès du réalisme
pittoresque ; l'ample et sonore mélodie de son langage est toute
naturelle sur des lèvres helléniques, à qui la Muse avait si bien
accordé le loqui ore rotundo. De nos jours, où la prétention du
style poétique semble être surtout de s'adresser aux yeux, de
lutter avec le pinceau, sauf à laisser l'oreille mécontente, le vers
de M. Autran, sa strophe ont conservé un rhythme musical de
la plus sensible harmonie ; on entend ses vers avec autant de
charme qu'on les lit; tandis que la plupart entre les meilleurs
qui se font aujourd'hui, ont tout à perdre à cette épreuve essen-
tielle de toute forme poétique. On peut concéder à la prose d'a-
bolir parfois la mélodie au profit de la couleur et du relief; elle
est plus souvent lue avec les yeux seuls qu'elle n'est prononcée.
Les vers doivent toujours être faits pour être parlés. Nous som-
mes convaincus que la beauté musicale de la poésie de M. Autran
n'a pas peu contribué à l'accueil enthousiaste fait à la Fille d'Es-
chyle par des spectateurs déshabitués de l'harmonie par le vers
du drame et même de la tragédie modernes. Ces nobles figures
d'Eschyle et de Sophocle ont aussi dans la pièce l'attrait tout par-
ticulier de la grandeur et de la noblesse antiques, si bien con-
servées par le poète, mais sans la physionomie, toujours un peu
conventionnelle et l'enflure classique des héros grecs et romains.
Leur langage est celui de l'antiquité, aujourd'hui mieux com-
prise et plus vraie, parce qu'elle est plus poétiquement inter-
prétée.
   Nous devrions nous arrêter plus longuement sur cette œuvre,
mais nous espérons que le Théâtre-Français, dans une veine plus
littéraire, fournira quelque jour à la critique l'occasion d'étudier
de nouveau le talent dramatique de M. Autran et dans la Fille
d'Eschyle, et peut-être aussi dans quelque production encore
inédite.
   Les amis de la poésie vont demander pourquoi nous seinblons
ici faire dater de ce drame la vie littéraire de l'auteur. Nous n'a-