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                DÉ LA PERFECTIBILITÉ HUMAINE.                  497

que diminué l'inégalité entre les hommes, en favorisant le libre
essor et les aptitudes de chacun. Créée par l'effort de la liberté
et du travail, la propriété, récompense terrestre de l'économie,
de l'épargne et de la bonne conduite, en dépit de tous les efforts
des niveleurs, ne présentera pas moins d'inégalités que la science
ou la vertu. C'est donc une ridicule et dangereuse chimère que
celle d'une égalité absolue. Pour l'obtenir, non-seulement il fau-
drait pouvoir corriger la nature et mettre l'égalité là où elle a
mis l'inégalité, mais, avant tout, il faudrait dégrader l'homme en
lui ôtant la liberté, cette mère féconde d'inégalités et de supé-
riorités de toute sorte. Faites de l'homme une bête et de la so-
ciété un troupeau, et alors seulement vous pourrez aspirer à
réaliser cet idéal d'égalité absolue.
    Un plus beau rêve que l'égalité absolue est celui de l'innocence
absolue; mais, pour être plus beau, il n'en est pas moins chi-
mérique. Les passions sont éternelles comme la nature humaine.
Pour atteindre sa fin, pour demeurer maître de lui, pour faire
prédominer les nobles passions sur les passions inférieures,
toujours l'homme sera dans la nécessité de combattre, et dans
cette lutte intérieure de tous les instants, à côté des victoires,
combien n'y aura-t-il pas toujours de tristes défaites à enre-
gistrer dans l'histoire morale de chaque individu? Combattre,
vaincre, travailler, souffrir, voilà ce dont jamais aucun perfec-
tionnement social ne dispensera tout homme venant en ce
 monde. Il est possible de mieux préserver la société contre les
 effets extérieurs de la pensée du mal, mais non pas de l'expul-
 ser de l'âme du méchant. Concluons que rien jamais ne sera
 changé aux conditions du mérite et du démérite absolu des in-
 dividus, et que c'est au prix du travail, de la lutte et de la dou-
 leur que l'homme, sous peine de déchéance et de dégradation,
 devra accomplir sa destinée sur cette terre.
    Il est vrai qu'on fait briller à nos yeux la magique perspec-
 tive d'un état social où la vie ne serait qu'une perpétuelle fête,
 le travail un plaisir et d'où la douleur serait bannie. Je croirais
 plutôt à toutes les métamorphoses d'Ovide qu'à la seule mé-
 tamorphose du travail en un perpétuel divertissement. Tout
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