page suivante »
614 NOTICE SUR VICTOR ORSEL. à peine si, pendant les folies du carnaval, on le voyait quelque- fois au bal masqué des théâtres d'Alibert ou de l'Argentine. Les idées d'Orsel sur la peinture n'étaient point celles d'un artiste ordinaire. Poète et philosophe, il considérait l'art comme un moyen de rendre plus frappantes les grandes vérités de la religion et de la morale. Jamais le prix de ses ouvrages ne fut pour lui une spéculation, bien loin de là , il n'est aucun de ses tableaux qui ne lui ait coûté quatre fois plus qu'il n'en avait reçu. Généralement aimé et estimé, il laisse les souvenirs les plus honorables, non seulement comme savant, comme artiste, mais comme citoyen. Recommandable sous tous les rapports, Orsel eût été bien placé à la tête d'une École ; il l'eût dirigée avec talent et avec dignité. Nul doute que si la mort ne l'eût pas frappé sitôt, l'achèvement de sa chapelle et de son tableau votif du choléra lui eût ouvert les portes de l'Institut, et lui eût assuré la direction de l'École française à Rome, poste éminent pour lequel il semblait destiné. Modeste et savant, Orsel ne cherchait jamais la louange, et répondait à la critique en améliorant ses ouvrages : cette lenteur à produire qu'on lui a tant reprochée n'était que le résultat des efforts constants qu'il faisait pour arriver à la perfection. La fin d'Orsel a été pleine de résignation. Il a eu la douleur de mourir sans voir achevés ses deux derniers ouvrages. Leur brillant succès eût été pour lui une magnifique récompense, ache- tée par tant de peines et de travaux. Dieu n'a pas voulu la lui accorder . Orsel a accepté ce sacrifice avec soumission : quand le moment du triomphe sera venu, nous serons les premiers à rendre à sa mémoire l'hommage que mérite ce talent si pur et si consciencieux. E.-C. MARTIN-DAUSSIGNY.