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                         M. A.-C.-H. TRIMOLET.                           115

 taine dans mon atelier, un grand événement changeait la posi-
 tion de mon commanditaire. Le 27 août 1831, S. A. R. le prince
 de Carrignan montait sur le trône de Sardaigne ! et mon Mécène
 était comblé de faveurs et de dignités !
    De tout cela, je concluai fort logiquement et judicieusement
 que je n'avais pas travaillé pour le roi de Prusse,
    En conséquence, le délai demandé étant expiré, je pris mon
 grand courage et me déterminai à partir pour Turin, accompagné
 de mon tableau.
    Je quittai mon pays le cœur triste, sous plus d'un rapport !
 emportant plus de crainte que d'espoir sur le but de mon
 voyage (1).
    Vous allez voir que, toute ma vie, j'ai eu un talent particulier
 pour me tourmenter inutilement, puisque, contre mon attente,
je fus reçu on ne peut mieux et en véritable enfant gâté, par cet
 excellent comte de Costa, qui, après m'avoir empoitraillé à per-
 dre haleine, voulut absolument me faire loger chez lui au palais
 Carrignan ! A partir de ce moment, tout fut au-delà de mes sou-
haits ! Le soir, au dîner de la cour, il informa le roi que j'étais
 arrivé avec le tableau, et Sa Majesté témoigna le désir qu'il lui
fut présenté le lendemain. En conséquence de ces ordres, la ma-
tinée du jour suivant me vit, en compagnie de mon Mécène,
suivre mon chef-d'œuvre au château !...
    Dirai-je l'impression produite sur moi par l'intérieur du pa-
lais ? par cette nuée d'hallebardiers dorés sur tranches ? par ces
gardes-du-corps à la prodigieuse stature et au brillant costume ?
par ces gentilshommes de service, chamarés d'or et de décora-
tions ? par la magnificence des galeries et des appartements que
je traversai? Tout cet entourage , tout ce luxe, toute cette éti-
quette, m'en imposa et atteignit son but. Ce n'était plus un
homme que j'allais voir, mais pour le moins un demi-dieu.
    Vous avez vu les rois-citoyens sortir à pied , le parapluie sous
le bras, le chapeau gris en tête, et prodiguant les poignées de

   (i) Ma sœur, M m e Petit-Jean, était sur le point de subir pour la seconde
fois une opération des plus douloureuses.