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496                        DES LIMITES
Les lumières s'ajoutant à la pureté des intentions, en qui
seule réside la moralité absolue, les institutions et les gou-
vernements se perfectionneront de plus en plus au point de
vue de la prudence et de l'équité. Les privilèges et les inégalités
qui ont leurs racines non dans la nature, mais dans les mœurs,
les opinions et les institutions, iront en s'affaiWissant. Il se peut
que les tentations mauvaises de la faim et de la misère étant
moins puissantes, les chances de succès moindres, la répression
plus sûre, les crimes extérieurs deviennent plus rares. Il se
peut qu'une assurance mutuelle plus vaste et plus compréhen-
sive resserre entr'eux tous les citoyens d'une même patrie ou
même tous les membres de l'humanité sans porter atteinte à
la personnalité. Il se peut qu'un jour arrive où sera prévenu
tout malheur susceptible d'être prévenu, où sera réparé tout
malheur susceptible d'être réparé. Il se peut enfin que par le
progrès de l'hygiène «t du bien-être, la moyenne de la vie soit
augmentée. Mais tel est le terme des espérances les plus har-
dies qui se contiennent dans les limites de la raison. Pour être
améliorée et adoucie, la vie n'en continuera pas moins d'être ce
qu'elle est essentiellement, c'est-à-dire une épreuve, et l'homme
aura toujours même fin à atteindre à la sueur de son front.
    Si les inégalités d'institution humaine peuvent s'affaiblir ou
même s'effacer, il n'en est pas de même des inégalités plus consi-
déables qui sont d'institution divine ou bien le fait de notre pro-
pre liberté. Les inégalités d'institution divine sont celles qui ont
leurs racines dans la nature même de chaque individu, selon qu'il
est plus ou moins heureusement doué, selon qu'il l'emporte
par telle ou telle faculté naturelle. A ces inégalités d'institution
divine viennent s'ajouter celles qui sont notre œuvre à nous
mêmes, le résultat de notre travail ou de notre paresse, de notre
bonne ou mauvaise conduite. De là les supériorités légitimes
de la vertu, de la science et de la richesse. La vertu, comme nous
 l'avons dit, est l'œuvre exclusive, absolue, de chaque individu.
La science dépend des dons naturels et du travail. Donnez à tous
les mêmes moyens d'apprendre et de s'instruire, vous aurez
 diminué l'ignorance générale, mais vous aurez plutôt augmenté