Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
390                   DE D'UNITÉ DES AKTS.
la plus exacte des formes suffit pour réaliser cette expression
caractéristique du visage qui est la ressemblance. Tous ceux
qui connaissent leur art vous répondront : qu'en face d'une
tête à représenter, il y a une autre étude à faire que celle de la
valeur positive des lignes et des tons. Il faut avoir vu la figure
dans les attitudes, dans les impressions les plus diverses, en
avoir saisi par la pensée le caractère, et s'étant bien fixé ce ca-
ractère dans l'esprit, s'en faire comme un modèle invisible. A
l'aide de ce modèle tout intérieur, de cet idéal, l'artiste corrige
à chaque instant ce qu'il a sous les yeux, au lieu de le calquer
servilement. Car le modèle extérieur est toujours vu à un mo-
ment donné, c'est-à-dire dans une certaine modification de ce
qui est permanent en lui ; or, le peintre ne peut fixer sur la toile
que ce qui est permanent, et ce caractère permanent et consti-
tutif d'une physionomie, l'artiste ne le voit pas dans la nature,
il le voit dans l'image toute intérieure qu'il s'en est formé, il le
voit, en un mot dans l'idéal, c'est-à-dire dans l'invisible.
   Ainsi, dans celui des genres qui semble le plus asservi à l'imi-
tation matérielle, c'est la manifestation d'un idéal, d'un invisi-
ble qui est le but suprême de l'artiste. Voyez, à plus forte raison,
si nous avons pu légitimement assigner, à l'art en général, comme
sa condition essentielle et sa véritable fin, l'expression de l'in-
visible. La beauté est dans son essence toute invisible, toute
immatérielle. Une forme physique, un objet de la nature ne
 sont beaux que par la quantité d'invisible, d'idéal qu'il renfer-
ment, si l'on peut s'exprimer ainsi. L'artiste ne peut donc nous
 montrer le beau, qu'en ayant perpétuellement sous le regard de
 la pensée, lorsqu'il compose, un modèle idéal. Manifester, dans
 ses limites, l'idéal, l'absolu, l'infini en tant que beau, tel est le
 principe de l'art.
   Mais l'art ne peut s'exercer qu'à travers des moyens matériels
et finis ; c'est la forme sensible que l'art emploie pour manifes-
ter l'invisible ; dans ses créations, il est astreint à la même loi
que Dieu s'est imposée dans la sienne. Dieu nous a rendu
manifeste son infinie beauté dans une œuvre extérieure à lui
et sensible à nous, qui est l'univers. La nature est l'œuvre