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322 NOTICE BIOGRAPHIQUE dans son modeste appartement, où elle rendit le dernier soupir, après plusieurs années de souffrances, entourée des soins de celui à qui elle avait prodigué les siens pendant au moins qua- rante ans. Cependant, l'abbé Bonnevie nourrissait toujours le projet d'aller rejoindre à Paris ses illustres amis. Il lui fallait un passeport, on le lui refusa à la Préfecture : n'était-il pas membre du clergé ? et n'étions-nous pas alors sous la meilleure des républiques? Voici la lettre que lui écrivait de Paris Madame de Chateaubriand, à la date du 23 septembre 1831 : Très-cher Abbé, j'étais à vous écrire, quand votre lettre est arrivée. Je vous disais que notre voyage était retardé par les affaires de M. de Chateau- briand, et nous ne partirons pas avant le i5 de novembre. Venez donc, nous aurons six semaines à passer ensemble, et, après cela, nous pourrons encore nojis voir quelques jours sur les grands chemins, et vous conduire jusqu'à Lyon. Je ne comprends pas la difficulté que vous avez pour avoir des passe- ports : ici, on en donne à qui en demande. Je suis bien convaincue des fer- ventes prières de votre archevêque, d'après la grâce qu'il demande à Dieu ; je doute fort qu'elle lui soit accordée pleine et entière. A qui parlez-vous des bruits qu'on se plaît à répandre? Ici, ce sont les petites maisons ouvertes ; et je connais bien des gens qui sont désolés de ne pas voir quelques voies de fait, quand ce ne serait que pour justifier leurs prophéties. Pour nous, nous vivons dans une profonde retraite, ne disant rien, n'écoutant rien, et ne voyant que le moins de monde possible. C'est au milieu de cette paix, très-pacifique abbé, que nous vous attendons avec la joie qu'on éprouve en pensant à un véritable ami, ce qui n'est pas commun en ce moment. Mille compliments et sentiment inaltérable de la part du ménage. Plus tard, lui écrivant une lettre d'affaire, elle y joignait ces quelques lignes, peignant bien la situation des esprits de cette époque : Nous sommes très-tranquilles à Paris, bien que, comme de coutume, on ne parle que de meurtres, de pillages et d'incendies. Il y a nombre d'hon- nêtes gens qui ont tant d'envie que malheur arrive, que le malheur leur arri- vera, et ce ne sera pas leur compte, car, au fond, ce n'est qu'au voisin qu'ils veillent offrir la palme du martyre. Qu'on ne soit pas surpris de nous voir citer Madame de Cha- #