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DD NOM DES AUTEURS. 407
se baptise du lieu même où il remporta sa plus mémorable
victoire ; ainsi MM. Méline et Caus de Bruxelles annoncent
déjà les romans nouveaux de M. L. Reybaud, comme étant
composés par Jérôme Paturot ; ainsi M. Alexandre Dumas
s'appellerait Monte-Chrislo, au lieu de prendre le titre de
Marquis de la Pailleterie dont il s'est fait lui-môme la plai-
santerie de s'affubler.
Mais le tour le plus heureux le mieux combiné qui se
soit joué dans ce genre, est sans contredit celui par le-
quel M. Sainte-Beuve fit réussir son premier recueil de
poésies qu'il donna au public sous le nom de Joseph Delorme.
Il eut le talent d'envelopper d'un véritable intérêt ce jeune
et infortuné fils de son imagination rusée. Il publia le récit
de la courte existence et de la triste fin du poète mort à la
fleur de son âge et de son talent; il attendrit le public au
récit de celle émouvante biographie, il prépara à recevoir
avec une indulgence trempée de larmes les vers de celui Ã
qui il n'avait donné quelques années de vie que pour les lui
faire perdre ensuite au profit de sa réussite à lui Sainte-
Beuve, puis sa muse recueillit la succession de bienveillance
amassée par Joseph Delorme, elle hérita de l'attendrissement
qu'avait inspiré ce malheureux de la tombe duquel elle
sortit radieuse ; cette étisie lyrique qui rappelait la chute
des feuilles de Millevoye fut une bonne fortune pour l'acadé-
micien, elle ajouta au mérite de ses vers, désarma des cri-
tiques pleurant, et lui valut un véritable succès; succès
mérité sans doute mais qui eût été moins éclatant sans cette
gémissante et sépulcral supercherie.
Cette fantaisie que se passent nombre d'auteurs de se tenir
eux-mêmes sur de nouveaux fonds baptismaux est sans con-
séquence pour le mérite de leurs œuvres, car, ainsi que l'a
dit Molière, le plus célèbre d'enlr'eux, si le temps ne fait
rien à l'affaire, le nom n'y fait pas davantage, mais que