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FABLE. 267
LES RAISINS ET L'ÉCHALAS.
à Monsieur Delegallery.
Comment jusqu'Ã ce jour avons-nous pu souffrir
Ce bâton près de nous, cette figure indigne?
Disaient à leur mère la vigne
De beaux raisins prêts à mûrir.
Sur plus de patience, il ne faut pas qu'il compte.
Voyez comme il est sec, comme il est vieux et noir !
Autant qu'il est hideux, nous sommes beaux à voir :
Son voisinage nous fait honte.
Allons ! va-t-en triste échalas :
De t'avoir près de nous, enfin nous sommes las.—
Ah ! mes enfants, quelle imprudence !
Répond la vigne; il a soutenu votre enfance; ^
Et vous avez, même aujourd'hui,
Plus que jamais besoin d'appui.
— Nous saurons nous passer de lui,
Répliquent les raisins d'un ton de suffisance. —
Mère, on vous le dit nettement •.
Nous n'en voulons aucunement.
Nous sommes assez grands pour faire à notre guise.
Bâton, va-t-en : cent fois faut-il qu'on te le dise? —
L'échalas là -dessus, laissant la mère en pleurs