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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE, 329 Que veut donc M. Oit ? Veut-il faire le procès à toute la philosophie, et à tous les philosophes, depuis Kapilla jusqu'à Platon et Malebranche ? Alors je me mets volontiers au rang des accusés. Veut-il seulement blâmer ceux qui prétendent ne plus laisser de mystères derrière eux? Alors il a tort de me mettre en cause, car, loin de détruire les mystères, je démontre qu'il y aura des mystères pendant toute l'éternité. Pour justifier l'anathème qu'il lance contre ceux qui recherchent l'absolu, M. Ott déclare que nous n'avons que des idées relatives. « Exemple (dit-il) ; les mots force, énergie, vie n'expriment évidemment que des rapports, des relations. Quelqu'un sait-il eu quoi consistent la force, l'énergie en elles- mêmes ? Non ! il ne les affirme que parce qu'il en perçoit les manifesta- *ions, il ne les dislingue et définit comme causes que par les effets qu'elles produisent. » Comment M. Oit répondra-t-jl à l'argument de Platon, qui prétend que nous ne saurions déclarer qu'une chose est belle, ou bonne, ou juste, si nous n'avions, préalablement à toute application, les idées de beauté, de bonté, de justice? C'est l'idée d'effet, dit-il, qui engendre en nous l'idée de cause. L'idée d'effet ne peut pas plus engendrer l'idée de cause, que l'effet ne peut engendrer la cause ; il n'y a pas deux logiques, jusqu'à pré- sent on a toujours cru que la cause renfermait l'effet, et non l'effet la cause ; que la cause engendrait l'effet et non l'effet la cause. M. OU parviendra- i-il à nous faire croire que le contenu est plus grand que le contenant, et que le fils peut engendrer son père ? L'idée d'effet présuppose celle de cause, et ne peut se concevoir sans elle. Celle de cause ne présuppose pas celle d'effet, elle y conduit. L'idée de cause n'est qu'une des modifications les plus générales de celle de l'être, et l'idée de l'être est la première des idées. C'est par elle, dit saint Bo- naventure, dans son fameux Itinerarium, que nous avons l'idée de ce qui n'est pas, comme c'est par l'unité que nous avons l'idée du multiple. Vous regarde? l'idée de cause comme relative, regarderez-vous aussi comme relatives les idées d'être, d'infini, d'unité, d'immutabilité ? Mais ces idées ne sont pas capables de plus ou de moins ; on ne peut pas être presque, être presqu'infiui, presqu'un, presqu'immuable ; ces idées sont in- divisibles, pav conséquent absolues. Il n'y a pas deux manières d'être infini ; tous ceux qui disent ce mot infini expriment et veulent exprimer la même pensée, c'est une pensée immuable, par conséquent infinie et absolue, car il n'y a que l'infini ou l'absolu qui soit immuable. Mais, dites-vous, si nous avons des idées absolues, nous sommes Dieu, car: pénétrer l'absolu, c'est demander le partage de l'intelligence divine.