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288 LA TENTATION. Nuit et jour il entend sa parole profonde, Nuit et jour il répond, n'écoutant rien du monde ; Sans ouir les serpents pas plus que les oiseaux, Ou l'invitation des arbres et des eaux. Sa pensée est ailleurs, et, perçant tous les voiles, Monte sans s'arrêter, même autour des étoiles, Et parcourt sans effroi ces lieux éblouissants Où l'homme n'entrera que dépouillé des sens. Ainsi, pour voir le Dieu fermant les yeux au temple, Père! c'est bien vous seul qu'il cherche et qu'il contemple, À genoux sur le sable, aux brûlantes lueurs, Sur les gazons baignés de sang et de sueurs. C'est là qu'abolissant toute humaine doctrine, Tout aiguillon charnel brisé dans sa poitrine, Mieux qu'entre les docteurs de Thèbe ou de Sion De la lumière vraie il eût la vision, Et connut, sans terreur ni mouvement superbe, Qu'en toute plénitude il possédait le Verbe. Divine région qui confine le ciel, Solitude où grandit l'homme immatériel, Il est bon de chercher sur ta lointaine grève Ce sol vierge de pas où croit la fleur du rêve, Où, comme deux époux que nul n'y vient troubler, Notre âme et le Seigneur aiment à se parler ! Il est bon pour le cceur, quand la chair le gouverne, De vêtir le cilice au fond de la caverne, Aux impurs souvenirs d'y creuser des tombeaux, Et de manger le pain qu'apportent les corbeaux. Cependant, ô désert de Moïse et d'Élie, Où sous l'ardent charbon la langue se délie, Cime où circule un air enivrant et subtil Même pour les élus tu n'es pas sans péril !