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LA TENTATION, 289 Nul homme impunément, sur tes rocs téméraires, N'aborde une hauteur inconnue à ses frères, Et, ne se croit, un jour, dans la splendeur du lieu, Plus distant des mortels qu'il n'est distant de Dieu. Le plus rude ennemi pour le cœur d'un apôtre Ce n'est pas le plaisir qui triomphe du nôtre ; Jusqu'aux neiges sans fin plus d'un sage est monté, Qui tombera du haut de son austérité. C'est quand les sens vaincus meurent de leur défaite, Que Satan, plus hardi, visite le prophète, Et, parfois, du ciel même envahissant le seuil, Creuse entre l'âme et Dieu l'abîme de l'orgueil. V. Qui n'entrevit Satan, mais qui peut le décrire? Quel homme ayant vécu n'entendit pas son rire, Ce rire de l'abîme à l'heure où nous tombons ; Nous l'avons connu tous, hélas ! même les bons. Pourtant lorsqu'il médite une attaque nouvelle, Nul ne devine plus en lui l'ange rebelle ; Tant il sait sous le fard, sous l'éclat déployé, Effacer les sillons de son front foudroyé; Tant son or emprunté luit sur ses ailes sombres, Tant il s'orne à propos de lumières ou d'ombres. A voir ses yeux d'azur, ses cheveux blonds et fins, Qui ne l'a pris souvent pour un des Séraphins. Dans les lieux les plus purs il nous cache ses pièges, Ses feux infects couvés sous les plus blanches neiges. Nul ne peut dénombrer les formes qu'il revêt. L'innocence en dormant l'entend sur son chevet; 11 surgit de la lampe et des piliers du temple, 19