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278                       LA TENTATION.




                                III.



      Or, poussé par l'Esprit dans ses austères voies,
      Jésus fuit ce que l'homme a de plus saintes joies,
      Sa mère et ses amis, la paix de son foyer,
      Ses fleurs, son banc de pierre à l'ombre du figuier .
      Et les rêves d'été, les sommeils sur la mousse ,
      Et du toit des aïeux l'obscurité si douce ;
      Tous ces biens que la foule a le droit de goûter ,
      Mais qu'aux élus le ciel montre pour les tenter ;
      Ces chastes biens à qui tout prophète renonce
      Pour suivre un dur sentier de cailloux et de ronce.


      Au voyage sanglant le fils de l'homme est prêt,
      Et, marchant au désert, traverse Nazareth
      A l'heure où, saluant l'aube qui la ravive \
      S'éveille la cité plus fraîche et plus active.
      Les joyeux artisans, par le coq avertis,
      Entonnent leurs chansons au bruit de leurs outils ;
      Les voisins, s'abordant de paroles amies,
      S'égaient à frapper aux maisons endormies.
      Sur la place, déjà, les marchands étrangers
      Abreuvent les chameaux de leurs faix déchargés.
      La serpe en main plusieurs vont voir de l'œil du maître
      Leur vigne et leur froment qu'il faut cueillir peut-être;
      D'autres, se disputant sur leurs droits indécis,
      Font parler les vieillards près de la porte assis ;
      Deux longs flots de passants se croisent sous son arche,
      Le gain ou le plaisir aiguillonne leur marche.
      Or, cherchant la douleur, son but et son devoir ,
      Jésus ceignit ses reins et sortit sans les voir.