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LA TENTATION. 279 Le matin colorant les gazons qu'il arrose Faisant tout verdoyer dans une vapeur rose. Nul vent lourd et poudreux ne ternissait encor Les bois tout d'émeraude et les froments tout d'or. L'air se peuplait d'oiseaux. Fraîche, embaumée et tendre, La campagne invitait le cœur à s'y répandre. C'était la fenaison ; et du labeur commun Le fardeau partagé s'allégeait pour chacun. Mille fleurs , qu'avec l'herbe abattent les faucilles, Se nouaient en couronne au front des jeunes filles ; Les faucheurs excités redoublaient à leurs chants. Tout transforme en plaisirs le saint travail des champs , Où l'invisible nœud des douces sympathies Lie en gerbes, souvent, les âmes assorties. Pour l'heure un gai repas à l'ombre du hallier Rassemble des faneurs le cercle irrégulier, Et dans leur joyeux groupe ils offrent une place Au voyageur aimé qui leur sourit et passe. Et c'est à chaque instant quelque tableau pareil Où l'homme a mis sa joie , où Dieu met le soleil. Dans un vallon plus frais que les rosiers parfument, Sur la pente opposée au bourg où les toits fument, Près des eaux soupirant leurs bruits doux et confus, Un palais s'abritait, sous les cèdres touffus , Un palais écarté dont le plaisir est l'hôte, Et dont chaque ornement est le prix d'une faute. Eteignant ses splendeurs dans l'aurore aux flots d'or, La fête de la nuit s'y prolongeait encor. Les conviés cherchaient la fraîcheur hors des salles. Baignant leurs fronts fiévreux aux brises matinales Des couples nonchalants errent au bord des eaux. Accoudée au milieu des hôtes les plus beaux ,