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              DE LA ROYAUTÉ DE LOUIS-PHILIPPE.                   211
  « Sans doute, nous sommes chez nous , leur disait-on ; mais il
 se fait tard ; nous reviendrons demain ; et puisque ceci est à nous,
 il faut le respecter, ne pas gâter ce qui nous appartient, » etc.
 On réussit avec le plus grand nombre ; mais il y en eut une
 centaine environ que rien ne put persuader, ou qui s'arrangèrent
 pour rester au château. Ils y sont demeurés une douzaine de
jours , montant la garde et, dit-on , menant joyeuse vie. On a
 eu toutes les peines du monde, à les faire déguerpir. Mais le
 peuple était très-irrité contre eux ; à leur sortie, il les assaillit
 de huées et d'insultes, et s'ils n'eussent pas été protégés , peut-
 être leur eût-il' fait un mauvais parti. Ce n'est pas là un des
 moins curieux épisodes de cette étonnante révolution. Dans un
 roman , on le déclarerait invraisemblable ; et pourtant, c'est la
 réalité même, avec tout ce que l'imagination peut s'en figurer.
    Nous venons de dire les traits touchants, gais , spirituels , pit-
toresques ou bizarres. Ce sont ceux-là que l'on cite le plus ; mais
 il y en a d'autres , bien différents, que l'on sait ou que l'on dit
moins. Que de ruines particulières, que de catastrophes indivi-
 duelles dans la chute générale de la monarchie ! Des personnes
sont devenues folles en l'apprenant. Au sortir de la Chambre des
Députés, le petit duc de Chartres fut séparé de sa mère, la du-
chesse d'Orléans, et entraîné dans les flots de la foule. On croyait
même que c'était le comte de Paris. Un garçon boucher s'en saisit,
et il l'emportait, en criant dans un transport de rage : « Il faut
que je l'étrangle ! il faut que je l'étrangle ! » Le duc de Nemours,
les yeux égarés, la tête perdue, allait et venait, ne faisant que
répéter .- « Mais cet enfant n'est pas à vous ! vous ne pouvez pas
disposer de cet enfant ! » L'enfant était le moins troublé de tous;
il disait : « Où est maman? je veux aller vers maman. » Enfin,
on parvint à le soustraire au furieux, et à le mettre en lieu sûr,
chez une famille du peuple, d'où il fut rendu à sa mère. Un ré-
publicain qui venait de se battre , témoin oculaire du fait, pleu-
rait en le racontant. Le comte de Paris avait couru aussi des
dangers à la Chambre. Emporté par un petit escalier, il se trouva
un moment dans l'obscurité. « Mais que va-t-on me faire ? s'é-
criait-il , ne reconnaissant pas la personne qui l'avait dans ses