Revue du Lyonnais » série 1 - n°27 ( 1848 ) » pp.207

              DE LA ROYAUTÉ DE LOUIS-PHILIPPE.                  207
 vait de rendre toute conciliation impossible. Du Carrousel, le
 peuple débordait déjà dans la cour des Tuileries , remplie de
 troupes, avec lesquelles il avait à peine eu à échanger quelques
balles. — « Ce n'est pas possible ! » s'écria le roi. —11 descendit,
et vit les soldats qui avaient la crosse en l'air. Il s'échappa alors
 en toute hâte, avec la reine, par le chemin couvert et la partie du
jardin qui longe la rivière. Vers les Champs-Elysées, il trouva
une voiture de place, où, protégé par M. Crémieux, il dut monter
précipitamment. Le duc de Montpensier était là à pied, suivant le
 roi. Il avait son uniforme d'officier d'artillerie. M. Crémieux lui
 dit : — « Vous allez être reconnu, vous risquez votre vie. » —
 « J'aime mieux être massacré, lui répondit le jeune prince, que
de quitter mon uniforme. Je le garderai, mais je ne ferai point
usage de mon épée. » Et, mettant les mains dans ses poches , il
s'éloigna.
   On ne sait pas bien encore tous les pèlerinages duroifugitif,
d'abord dans ses anciennes résidences , puis de ferme en ferme
sur les côtes de Normandie. Mais on en sait déjà trop pour sa
gloire. Jamais chute moins noble et moins relevée ! Au bout de
huit jours seulement, le jeudi 2 mars, le vieux roi parvenait à
s'embarquer sur un bateau-pêcheur, dans les environs du Tré-
port. Un de ses anciens officiers l'accompagnait. Ils voyageaient
sous les noms de Martin et de Dormeuil. Après dix-sept ans de
règne, partir pour l'exil sous un nom de comédie et de vaudeville !
ainsi disparut la royauté. Autre dérision du sort, autre langage
symbolique des événements : Louis-Philippe portait une blouse
verte , qu'on lui avait prêtée. C'était donc, sauf la couleur, sous
le costume de ceux qui l'avaient chassé de son palais, qu'il s'en-
fuyait déguisé.
   Pendant que le roi s'éloignait, la dynastie de Juillet voyait se
briser sa dernière branche de salut, la régence, dans l'orage qui,
avec les combattants dans les tribunes, envahit soudain la Cham-
bre des Députés. La scène fut terrible et rappela un moment celle
delà Convention. Le président, M. Sauzet, couché en joue, se
hâta de déguerpir. La duchesse d'Orléans voulait parler et,
comme on le trouva dans quelques mots crayonnés par elle àJa