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 206                   DERNIÈRES JOURNÉES
 de peuple: «Savez-vous, dit-il, ce que c'est que Bugeaud?Je
  « vais vous le dire : Bugeaud est un vieux soldat, qui a assuré la
 « possession de l'Algérie à la France, qui a.flanquédes balles aux
 « Autrichiens et qui est prêt à leur en flanquer encore à la fron-
  « tière. » — • Vive Bugeaud ! » s'écria-t-on aussitôt sur cette
                 <
 harangue toute militaire, dont j'ai adouci les expressions tech-
 niques. Mais il aurait fallu en recommencer l'épreuve à chaque
 pas, et le maréchal dut se décider à quitter la partie. Le jeudi, à
 dix heures et demie, la proclamation annonçant la nouvelle com-
 binaison ministérielle ne paraît un instant que pour être déchirée,
 et les colonnes populaires se dirigent sur les Tuileries par le Pa-
 lais-Royal et le Carrousel.
    Le roi allait se mettre à table, ne se doutant encore de rien. Tout
d'un coup l'alarme et la confusion se répandent dans le Château.
Nul des courtisans et des généraux n'a d'ordre ni d'avis, pas
même de nouvelles ; ils ne savent qu'en demander. Des pairs et
des députés vont au roi, M. Thiers, M. de Lasteyrie, M. Dupin,
etc. M. Emile de Girardin qui, seul, avait montré de la fermeté
et de la tête après l'affaire de l'Adresse et donné sa démission , est
aussi présent. C'est lui, d'après son propre récit, accepté géné-
ralement , qui aurait déclaré la nécessité d'abdiquer. Voici com-
ment se serait passé, nous dit-on, ce moment solennel. — « Sire,
aurait dit M. de Girardin, les circonstances sont graves. Il n'y a
plus qu'un moyen-, abdiquer. » —Le roi, troublé, consulta les
personnes présentes , entre autres le maréchal Bugeaud. —
« Vous, maréchal, lui dit-il, vous avez vu par vous-même, quel
est votre avis? » — Sire, la situation est en effet très-grave ; tout
n'est pas désespéré, mais il faudrait sacrifier 150,000 hommes ,
armer les forts comme on pourrait, tirer sur Paris et l'affamer. »
— S'il en est ainsi, répondit le roi, c'est assez de sang versé
comme cela. » Et il signa son abdication. On lui fit observer que
le duc de Nemours était impossible comme régent à cause de son
impopularité, qu'il fallait la duchesse d'Orléans. Il y consentit.
  Cependant, le peuple forçait le passage du côté du Palais-
Royal ; là aussi des coups de feu accidentels déterminèrent cet
engagement, inutile au point de vue stratégique, mais qui ache-