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              DE LA ROYAUTÉ DE LOUIS-PHILIPPE.                  203
     Rien n'était commencé, au contraire. Ce qui détermina la véri-
  table explosion , ce fut l'accident providentiel, comme on s'ex-
  prime, de l'hôtel du ministère des affaires étrangères ; le déta-
 chement chargé de le garder, fit feu par étourderie, par un ma-
 lentendu , à ce qu'on a expliqué, sur la foule rassemblée devant
 l'hôtel, et tua ou blessa une cinquantaine de personnes. La dé-
 fiance avec laquelle on avait accueilli le changement de ministère ;
 l'idée, toujours subsistante dans le peuple , que l'annonce de ce
 changement était seulement destinée à cacher des projets de tra-
 hison, parut confirmée. On cria.- « Aux armes ! on nous égorge ,
 on nous assassine ! on massacre nos frères ! »
    Avant cela, vers neuf heures, j'avais rencontré sur le boulevard
 trois hommes marchant ensemble, en habit bourgeois. L'un
 d'eux dit aux autres, en levant les yeux sur les façades des mai-
 sons , éblouissantes de mille feux : « S'ils savaient combien il
 leur en cuira demain dans les yeux, de toute cette illumina-
 tion      » Cette parole, dite en passant, me fit remarquer les
 trois promeneurs ; elle me frappa, sans que je pusse découvrir
 alors ni que je sache aujourd'hui l'intention exacte de celui qui la
prononçait ; mais il avait l'air assuré de son fait et on voit que
cette parole, de quelque part qu'elle vînt, n'était pas sans portée.
En rentrant chez moi par l'intérieur de Paris , et avant qu'on y
eût appris ni que je susse moi-même l'accident de l'hôtel du mi-
nistère, j'eus à traverser deux barricades encore debout dans la
rue de Rambuteau. Ceux qui se trouvaient autour ne voulaient
pas les défaire. Un peu plus loin, un vieux homme et un enfant
étaient occupés tous seuls à en construire une nouvelle. On les
voyait déchausser et remuer tranquillement les pavés , sans avoir
l'air de s'inquiéter ni de s'apercevoir de rien , comme de gens à
leur ouvrage et qui ont leur idée. A minuit, nous fûmes réveillés
par la fusillade, et nous sûmes le matin l'accident ; tout était ir-
révocablement engagé de nouveau.
   Un journal légitimiste, l'Union, donne comme authentiques
les détails suivants. Une association secrète , composée de 7,700
hommes, divisés par dizaines sous 770 capitaines ou chefs, exis-
tait et existe probablement encore à Paris. Elle s'était formée en