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LETTRES SUR LA SARDAIGNE. 155 Burgrave. A l'extrémité de la rue, ils tournèrent bride et revin- rent au point d'où ils étaient partis. Bientôt le cavalier vain- queur, précédé des joueurs de laonedda et de deux héros portant étalés les prix de la course, s'avança sur le champ de son triomphe, faisant piaffer son cheval ruisselant d'écume, au milieu d'un tonnerre d'applaudissements et d'une pluie de fleurs et de branches de lauriers roses, que lui lançaient les jeunes filles ravies. Après quelques minutes d'enlr'acte, trois cavaliers se pré- sentèrent à l'entrée de l'arène. Montés sur des chevaux de taille égale, ils allaient de front, serrés, enlacés, les bras mu- tuellement passés autour du col, de telle sorte que celui qui se trouvait au milieu était obligé de tenir les brides entre ses dents. Puis, au signal donné, ils s'élancèrent dans la rue. La chute d'un cheval précipile à terre les trois cavaliers, qui se relèvent souvent avec un œil poché, le front fendu, un bras cassé, ou bien ne se relèvent pas du tout. Comme cette course n'est pas approuvée par l'autorité civile,aucun prix n'esl décerné aux courageux champions, ils courent simplement pour le plaisir de courir. Ce jour-là , les choses, au dire de tous, se passèrent le mieux du monde. Un fer de cheval détaché dans la rapidité de la conrse avait estropié une matrone, un cheval s'était cassé la jambe en s'abattant, et son cavalier s'était fait un trou à la léte : les amateurs étaient e n - chantés. La course finie, la foule s'éparpilla d'abord de côté et d'autre, puis vint peu à peu se ranger en cercle autour d'un champ sablé, préparé pour la lutte. Deux jeunes garçons s'avancèrent dans l'arène, soutenus chacun par deux cama- rades auxquels ils donnaient le bras ; ils marchaient l'un contre l'autre. Après les salutations d'usage, les formules sacramentelles et les poignées de mains amicales, ils com- mencèrent h se lancer avec fureur de grandissimes coups de