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146 LETTRES SUR LA SARDAIGNE. lèvent les toits bossus de trois ou quatre maisons blanches : c'est Sardara-l'Aqua-Cotta. Sans doute , à celte heureuse époque où Pline appelait la Sardaigne le grenier du peuple romain , Sardara devait être une villa joyeuse et charmante, avec des bains de porphyre , des portiques de marbre blanc perdus dans des bois d'orangers. 0 mes belles Garalitaines ! qui veniez ici livrer aux caresses de ces eaux bienfaisantes , vos beaux corps fatigués par les plaisirs , beaux chevaliers qui retrouviez dans ces chaudes vapeurs les forces et l'ardeur perdues dans les joyeuses saturnales ! Hélas ! qu'êtes-vous devenus ? Des femmes en haillons , laides et malpropres ; des hommes taciturnes, couchés dans leur manteau de laine, gissent ça et là sur une terre humide, dans une chambre délabrée , au milieu d'une vapeur épaisse et brûlante. Hélas ! beaux temps passés, qu'êtes-vous devenus ! Un des regrets de ma vie , c'est de ne pas être le moins du monde archéologue et de n'avoir pas envie de le devenir. Quel bonheur, en effet, de découvrir, en grattant celte terre dégénérée, un débris de statue ou l'anse d'une urne funé- raire ! car, les antiquaires sont un peu comme les collec- tionneurs qui poursuivent, pleins de désirs, l'insecte le plus laid, la fleur la plus insigniflante par cela seul qu'ils sont rares. Une inscription tombale indéchiffrable, un laurobole, un caillou druidique leur fait plus de plaisir que la vue d'un bas-relief du Parlhénon. Mais je ne suis pas archéologue! Au moins, si j'étais chimiste ! je pourrais vous donner l'ana- lyse scientifique de ces eaux thermales ; vous sauriez qu'elles contiennent en dissolution des sels de soude et de magnésie, et de l'hydrogène sulfuré à l'état libre , etc, , etc. , etc.... , tandis que je suis condamné à vous dire , comme le simple vulgaire, que ces eaux exhalent une odeur sulfureuse , et sont assez chaudes pour faire cuire un œuf. Près des bains s'élève une petite chapelle , aux murs de laquelle pendent ac-