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                        DANS LA RÉPUBLIQUE.                        135
  que l'on juge si personnelles, si peu concluantes, si peu sociales,
  quand on les compare à notre littérature classique, n'ont pu se
  soustraire à la loi de toute œuvre de l'esprit français qui ne perd
 jamais de vue le résultat pratique, le but moral. Si exclusivement
  vouée à l'art pur ou à la pure spéculation, qu'ait pu le paraître
  cette littérature des trente dernières années, elle ne cessait
  de travailler à l'éducation politique et morale des esprits ;
  c'est d'elle, c'est des idées qu'elle a répandues, aussi
 bien que des intérêts qui ont pris conscience d'eux-mêmes,
 que dérive la situation actuelle dans ses faits les plus
 nobles, les plus conformes aux grandes vérités morales, comme
 aussi peut-être dans ce que cette situation présente de tendances
 vicieuses et de faits dangereux.
     La vie de l'homme privé et la société elle-même se com-
 posent d'une action et d'une réaction incessante des idées sur
 les faits et des faits sur les idées. La littérature est autre chose
 qu'une expression fatale de la société, elle est aussi un promo-
 teur libre et responsable des principes, des passions qui dirigent
 le mouvement social. Ce qu'une littérature renferme de sublime
 et de bas, de noble et de grossier, de désordonné et de moral,
 vous le retrouvez dans la physionomie des faits sociaux qui se
manifestent à la suite de cette littérature.
    Nous avons donné, à plusieurs reprises, à la littérature du
dix-neuvième siècle des éloges qui ont pu paraître excessifs
 et inconciliables avec l'admiration que nous témoignons en
même temps pour notre littérature classique. Mais, tout en ad-
mirant les progrès véritables, nous n'en reconnaissons pas moins
les vices de l'art actuel et leur influence sur les faits sociaux.
    Dans les hautes régions des lettres, chez les grands écrivains
de notre époque, les tendances générales en philosophie, en re-
ligion, en histoire, sont supérieures à ce qu'elles étaient au dix-
huitième siècle ; mais, le nombre de ces écrits d'un ordre infé-
rieur qui faussent les idées et corrompent les caractères s'est
considérablement multiplié de nos jours.
    Le sentiment religieux, le spiritualisme, le respect des croyances,
l'enthousiasme ont pris, chez nos grands écrivains, la place du scep-