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                         NAPOLEON A LYON.                         123
 rues de Lyon dignes de toute la réputation de malpropreté qu'elles
 avaient acquise de temps immémorial. Alors la ville n'était pas
 pourvue de trottoirs , il n'existait pas encore d'omnibus, et l'u-
 nique moyen de locomotion dont on pouvait disposer, consistait
 en quelques méchants fiacres qui disparaissaient des deux seules
 places, sur lesquelles ils stationnaient aussitôt qu'on avait le
 moindre besoin de ces véhicules. Force nous fut donc de traverser
 pedestrement une mer de boue noire et liquide qui recouvrait
les affreux cailloux de notre pavé. C'est dire que nous arrivâmes
 à l'Archevêché aussi crottés que le fameux poète Colette! Mais
l'excellent et brave Drouot, chez qui nous nous présentâmes ainsi
faits, n'eut pas l'air de s'en apercevoir.
    En allant prévenir l'Empereur de notre arrivée, le général
nous fit passer et nous laissa dans une salle d'attente que nous
trouvâmes remplie de solliciteurs de toutes conditions. Parmi eux,
nous remarquâmes le comte de Fargues, encore maire de Lyon,
et qui sans doute, venait expliquer comment pouvaient se con-
cilier entre eux les différents textes de ses. dernières proclama-
tions. Dès qu'il vit notre aigle, il s'approcha de nous en s'écriant •.
   — Oh ! la charmante idée, Messieurs , la charmante idée !
   — Charmante ? répondis-je. Eh ! M. le comte ,\ elle ne vous
eût pas semblé telle, si elle se fût produite seulement huit jours
plus tôt.
   M. de Fargues se mordit légèrement les lèvres et continua :
   — Vous allez offrir cet aigle à l'Empereur?
   — A l'Empereur, répliquai-je, à l'Homme du Destin ou à
Bonaparte , comme il vous plaira de l'appeler aujourd'hui.
   M. le maire se mordit plus fortement les lèvres ; mais, sans pa-
raître comprendre mes allusions , il poursuivit ainsi :
   — Eh bien ! Messieurs, en ma qualité de maire et de chef
naturel de la garde nationale (l), je présiderai votre députation.
   — Notre députation, M. le comte, n'éprouve nullement le
besoin d'être présidée ; elle vous remercie du patronage sous

  (i) Nous riions tous un uniforme de gardes nationaux.