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66 DE LA DOULEUR DANS LE TEMPS. Enfin celte perpétuelle inquiétude se réfugiera dans une dernière observation : « Dieu , dans tous les cas, prévoyait notre chute ! » Eh bien ! il paraît qu'il était nécessaire que l'homme fut repris de plus bas... Dieu avait bien donné la liberté à l'homme ; mais s'il fallait que l'homme perdît cette liberté et la refît lui-même pour qu'elle fût réellement et ra- dicalement libre ! De même ne voit-on pas l'enfant quitter ses dents de lait pour prendre celles qui viennent avec la force d'âge? La liberté est précisément ce qui ne peut se donner : elle ne saurait être qu'acquise. C'est la force qui s'emploie d'elle- même et qui ne vient que d'elle-même. La causalité qui ne sortirait pas de soi, ne serait pas causalité... Et d'abord l'homme n'étant pas, il fallail qu'il fut créé, créé avec la liberté précisément d'accepter et de prendre son humaine et per- sonnelle liberté ! Pour avoir sa valeur dans l'absolu , il était nécessaire que l'homme fut le fruit de ses œuvres, et pour qu'il fut le fruit de ses œuvres, qu'il concourut à sa raison d'être. L'homme fut créé en puissance : et il fallait bien qu'il fut créé , ce pre- mier point élail le levier de ses efforts ultérieurs. Mais créé , cela ne venait pas de lui ; n'était-il pas nécessaire que ce pre- mier point fut brisé pour que l'homme le refît ! N'est-ce pas de la sorte que l'artiste brise la statue de terre qui vient de donner l'empreinte au moule indestructible des flancs duquel sa nouvelle statue va sortir ! Dieu ne créa la liberté qu'en lui disant : Sois libre! L'homme ne pouvait être achevé. Au lieu de nous créer plus, Dieu a dû des lois du monde moral : dans le cas où notre esprit ne saurait suivre la portée de la notion éternelle; nolion de laquelle tout descend en ligne directe. Il ne faut pas se défiar de l'être : IL EST ! « Ce que nous ne connaîliions pas dans une matière si haute, ditBossuet, ne devrait pas affaiblir en nous ce que nous en connaissons si certainement. »