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DE DA DOULEUR DANS LE TEMPS. 13 dissolution de sa forme antérieure (1). La mort est la solde de l'orgueil ; elle seule pouvait rétablir la vie pure où le mal avait passé. Oh ! l'admirable invention que celle de la mort ! Mais la mort avait besoin de combattre l'orgueil de son vi- vant, c'est pourquoi elle a envoyé en avant la douleur. La douleur est l'écuyef de la mort. L'homme altier s'est soumis, l'homme dur s'est attendri, l'homme paralysé s'est ranimé en prenant le breuvage de la douleur. D'une liberté épuisée elle a su faire sortir les triom- phes de la patience, d'un amour éteint elle a su faire jaillir les gloires du renoncement, et d'un être déformé par l'or- gueil , elle a tiré une âme toute resplendissante de mérite et de beauté ! 0 mystère de l'être, que de ressources dans tes abîmes ! j'attends tout de toi ; où le néant semblait indispensable , déjà la mort vient de suffire... Ah ! Dieu nesaura-t-il trou- ver aussi dans ton sein, ô profondeur de l'être, quelque se- cret plus prodigieux encore pour te faire échapper un jour aux lois absolues de l'irrévocable !... Comme le remarque Mme de Staël, la douleur est donc un bien , ainsi que l'ont dit les mystiques. Elle n'est pas un bien en soi, mais en ce qu'elle est l'instrument efficace d'un bien. La douleur est notre plus grand moyen de perfectionnement. Et c'est le seul qui soit resté à l'âme qui, dans la défaillance de sa nature , abdiquerait ses prérogatives et ses facultés. Une partie de l'âme est-elle tombée dans l'insensibilité de la mort, le charbon de la douleur y rallume aussitôt la vie. (i) «Le grain ne porte l'épi qu'il ne meure dans la terre, » dit l'Evangile. La mort, n'étant que la dissolution du mal, s'arrête avec lui. Comme le feu , elle s'anéantit avec son aliment. La mort périt dans sa propre victoire : ab- sorpta est mors in Victoria, dit S. Paul.