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14             DE LA DOULEUR DANS LE TEMPS.
 Elle remet aux mains de l'homme, qui les avaient reçues
 sans mérite de la création , ses puissances radicales. Enfin
 la douleur produit au fond un effet que je ne sais trop com-
 ment exprimer, elle condense l'être. Sous les coups répétés
 du marteau , le fer rougi devient de l'acier.
     Semblablement, dans l'ordre physique, la douleur, fille de
 l'irritation , n'est qu'une accumulation de vitalité sur un
 point. Pour ranimer un membre atrophié on y augmente par
 frictions la sensibilité jusqu'à ce qu'on arrive à la douleur.
 Ce sont les douleurs de la fatigue, de la privation et de l'effort
 qui, dispensées avec mesure, et persévérance, donnent aux
 organes la vigueur. Qu'une trop grande abondance de vitalité
 accoure sur un point, la souffrance se fait sentir.
    Fragiles et mortels, les organes du corps ne supportent
que jusqu'à un point cette condensation de la vie; s'ils pou-
vaient contenir la plénitude de la douleur ils parviendraient
à la perpétuité. Mais, au sein de l'âme immortelle, la douleur
opère en toute sûreté ! On la voit toujours revenir vers les
mêmes endroits du cœur : il n'est tel que d'être intéressé au
fond, pour perdre plusieurs fois sa fortune; ambitieux , pour
rester sans cesse humilié ; trop sensible , pour perdre l'objet
de ses affections.
    Delà, suivant les parties qu'elle affecte en nous, elle est
une indication certaine de nos côtés les plus faibles. Toutefois
la douleur tourne au dedans de l'cime et s'enfonce partout. Et
où la douleur a passé, vous êtes sûrs qu'elle a accru étonne-
ment la vie. Eh ! voyez , lorsque l'homme sort d'être travaillé
par l'affliction , avec quelle aisance il respire le moindre
contentement ; comme , en cette heure, son cœur s'ouvrirait
à toutes les délices de la vie immortelle !
    La douleur sanctifie. Et elle sanctifie à un point qu'il n'est
pas donné à celui qui la souffre de le savoir, si ce n'est peut-
être par la bonne conscience qu'il en a de lui-même. Re-