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                              BIBLIOGRAPHIE                                      611
cerveau de presque tous ceux qui ont écrit sur l'Algérie. M. Roches raconte sim-
plement ce qu'il a vu, souvent il glisse sur ce qu'il a fait. L'écrivain qui voudra
faire l'histoire de l'émir devra forcément emprunter ses documents les plus sûrs à
M. Roches: qui, en effet, fut mieux que lui à même de donner de ce héros de
l'Islam un portrait complet et fidèle? Il a vécu de sa vie, couché sous sa tente,
partagé ses dangers, pris la parole à ses conseils, et jusqu'aux derniers jours de
sa vie, il est demeuré en relations étroites avec lui. La mort seule a empêché
l'émir de revoir, de corriger et de compléter les épreuves de ce livre. C'est donc,
on le voit, un ouvrage exceptionnel que celui de M. Léon Roches et auquel j'ose
prédire, sans crainte que l'événement ne me donne un démenti, le plus légitime
succès.
    Le premier volume nous fait attendre avec impatience l'apparition du second
dans laquelle l'auteur doit raconter son pèlerinage à la Mecque, entrepris et
exécuté dans des conditions qu'il n'a été donné qu'à de très rares Européens de
rencontrer : deux seulement, avant M. Roches, un Espagnol et un Anglais, ont
habité la Mecque et fait la description du pèlerinage musulman. Ce sera donc là
encore matière toute nouvelle et bien digne d'enflammer la curiosité.
                                                      CH.LAVENIR.




     TRISTESSES ET SOURIRES, par GUSTAVE DEOZ. On vol. in-18. Prix : 3 fr. 50.
      — Paris. Victor Havard, éditeur.

   Quoi de plus joli, de plus délicat, de plus charmant que le nouveau livre de
Gustave Droz, Tristesses et sourires ? C'est une révélation que ces quelques
pages si pleines de goût et de sentiments ! En effet, nous connaissions Gustave
Droz amusant et spirituel observateur dans « Monsieur, Madame et Bébé »,
mais nous ne le connaissions pas moraliste, et, avouons-le, rien ne le faisait
prévoir.
   Il l'est pourtant devenu, moraliste, et même moraliste profond et sévère.
Mon Dieu! mais ce serait le paradis sur la terre si nous mettions à profit seu-
lement le quart de ses maximes.
   C'est une vieille douairière qui parle, la baronne d'Orchamp. Elle traite tous
les sujets, et passe en revue la politique, la religion, la famille. Elle pleure les
bonnes manières psrdues, l'antique politesse française que, dit-elle, les nouvelles
générations ont laissé tomber dans le ruisseau. Elle reconnaît ses défauts, mais
elle voit aussi ceux des autres et s'efforce de les corriger. La baronne se plaît
dans la lutte, et elle n'est jamais si heureuse que quand, après une discussion un
peu vive, elle a pu faire rendre les armes à son adversaire et l'amener repentant
à ses pieds. Avec quels arguments irrévocables ne confond-elle pas Féron, le
médecin libre-penseur du village, dont elle re'duit à néant les plus belles théories
matérialistes: « 0 Féron! comme votre athéisme me rend religieuse; comme
j'aime Dieu depuis que vous le niez; comme je deviens croyante en face de votre
incrédulité sacerdotale ! »
   Plus loin la bonne dame s'indigne des idées du jour et de l'opposition systé-
matique que font à la religion et aux lois de l'honneur des gens sortis on ne
sait d'où! Elle s'étonne de ee que son cousin, l'abbé d'Ouquenay, pardonne si
facilement et soit si indulgent pour les disciples de Voltaire. Comment ne pas