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586 LA REVUE LYONNAISE est-elle l'expression d'un état de civilisation? Peut-être et c'est alors qu'on pourrait dire avec Mistral : « Qui tient sa langue tient la clef qui de ses chaînes le délivre... » Pour ce qui est du flamand, pas n'est besoin de tant approfondir. Le plan de Bismarck qui comprend les centres de Gand et Anvers, dans l'annexion de la Hollande « brebis germanique égarée », donne à la question qui nous occupe un suffisant attrait d'actualité. * Quand la Belgique se fut constituée indépendante, la position des Flamands se trouva singulière. Antipathiques aux Hollandais pour des dissidences confessionnelles, ils souffraient néanmoins de la brusque séparation de la Belgique et des provinces du Nord. Mais la nonchalance présida comme toujours à leur sourd mécontente- ment, si bien qu'ils acceptèrent comme une amélioration ce nouvel état de choses. Pour le peuple, cependant, la situation n'était guère meilleure. Plus que jamais, on refusait le pain de l'intelligence à ces milliers de citoyens dont l'idiome propre, la langue néerlandaise, était défi- nitivement exclue de l'administration, de l'armée, des tribunaux et de l'enseignement. L'élément wallon avait conquis d'un seul coup la prédominance, et la politique française, qui l'avait inspiré, ten- dait à refouler chaque jour ce qui pouvait rester des puissances flamandes. On se représente aisément toutes les injustices que ce nouveau système entraînait après lui. Des lois promulguées, des accusations proférées, des condamnations portées dans un idiome que le pré- venu n'entend pas, quoi de plus illogique, et cependant quoi de plus strictement observé, durant de longues années, dans toute la Bel- gique. Cet état de choses devait disparaître. Près de trois millions d'hommes sur cinq, qui obéissaient au pouvoir royal, protestèrent par la voix de leurs représentants. Et peu à peu cette ignorance, qui oppressait la moitié du pays, abandonna le terrain à l'instruction et à l'amélioration morale.