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568                      LA REVUE LYONNAISE
  E : et J. de Goncourt étudient la nature de Charles Demailly :
   Nature délicate et maladive, sorti d'une famille où s'étaient croisées les délica-
tesses maladives de deux races dont il était le dernier rejeton et la pleine expan-
sion, Charles possédait à un degré suprême le tact sensitif de l'impressionnabilité.
Il y avait en lui une perception aiguë, presque douloureuse de toutes les choses
et de la vie. Partout où il allait, il était affecté comme par une atmosphère de
sentiments qu'il y rencontrait ou qu'il y de'rangeait. Il sentait une scène, un
déchirement, dans une maison où il trouvait des sourires sur toutes les bouches.
 Il sentait la pensée de sa maîtresse dans son silence; il sentait dans l'air les
 hostilités d'amis; les bonnes ou mauvaises nouvelles, il les sentait dans l'entrée,
 dans le pas, dans le je no sais quoi de l'homme qui les lui apportait...
    Les choses étaient pour lui parlantes et frappantes comme les personnes. Elles
 lui semblaient avoir une physionomie, une parole, cette particularité mystérieuse
 qui fait les sympathies ou les antipathies. Ces atomes invisibles, cette âme qu1
se dégage des milieux de l'homme, avait écho au fond de Charles. Un mobilier
lui était ami ou ennemi. Un vilain verre le dégoûtait d'un bon vin. Une nuance,
 une forme, la couleur d'un papier, l'étoffe d'un meuble, le touchaient agréable-
ment ou désagréablement... une note fausse dans un sentiment ou dans un opéra,
 une figure ennuyeuse, ou même un garçon de café déplaisant, suffisaient à le
 guérir d'un caprice, d'une admiration, d'une expansion ou d'un appétit.



   Cette psychologie perspicace des Goncourt a passé en partie chez
M. de Maupassant. C'est un ami et un initié. Plusieurs de ses contes
en font foi. Mais hors de ceux que j'ai cités, dans toutes les autres
pages des deux volumes, poussé qu'il était, sans doute, de faire
vite et court, harcelé par le journal qui attend la copie, fatigué
peut-être de ces minuties, de ces recherches, de ces sondages, qui
ne sont pas tout à fait la force dont son art veut s'aider et la marque
où il veut s'empreindre, l'auteur s'est laissé capter par l'uni des
surfaces, la sécheresse d'un coloris sobre, la netteté des dessins et
la vigueur des reliefs.
   A Mademoiselle Fifila. critique a désarmé. Piquée au jeu, dé-
sireuse à la fin, pour faire trêve, de découvrir un réaliste accep-
table, tout d'un coup elle a trépigné : M. de Maupassant était un
écrivain! Mademoiselle Fifi valait Matteo Falcone! Mérimée
 avait un héritier !...
    Très sagace en effet, la critique !
    Mademoiselle Fifi était encore un peu du vieux neuf, un conte
 taillé dans l'ancien modèle. Elle étaitencorela nouvelle terrifiante, la
 nouvelle romanesque, où un bon curé aime ses ouailles, où une