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SOUVENIRS D'ALGER 557 libre pratique à Alger, aient emmené leurs passagers algériens jusqu'en Espagne, jusqu'en Angleterre, plutôt que de tenter une descente sur cette plage dangereuse où on les conviait à la plus fallacieuse des quarantaines. IX LES I D É E S DE R I C H A R D J'ai des idées. « Ce m'est venu dé nuit, non pas, en écoutant çanter le rossignoou », comme le tambourinaire de Daudet, mais en attendant le sommeil que le siroco chassait. En voici une : La nature construit les êtres en vue du milieu où elle les fait naître, quiconque transgresse cette loi si simple, si logique, si évidente, en est puni par une déchéance physique et intellectuelle d'autant plus rapide que la transgression est plus radicale, rapidité surtout extrême quand il s'agit de septentrionaux émigrant vers le sud. Que des Bretons, des Normands, des Champenois, s'établissent en Touraine ou en Bourgogne, le mal est peu appréciable, s'ils d e s - cendent en Provence ou en Roussillon, le mal s'aggrave et devient sans remède, s'ils ont la témérité de pousser jusqu'au désert du Sahara ; il est, on peut le dire, les autres conditions de vie restant les mêmes, en raison directe des différences de latitude entre le pays d'origine et le pays d'élection. C'est surtout dans la progé- niture que se montre la sanction de cette loi. L'homme du Nord, de haute taille, sanguin, robuste, a presque invariablement dans l'extrême Sud des rejetons amoindris, affaiblis et décolorés ; à la seconde génération, les biceps, les fesses, les mollets disparaissent; la troisième ne donne que des corpuscules difformes, à travers les- quels le jour se voit. L'intelligence et l'activité subissent les mêmes transformations. Les baisers du soleil sont ceux qui se paient le plus cher. Les peuples qui n'en jouissent pas les convoitent, les conquièrent au prix de leur sang, et, dès qu'ils en ont goûté le doux poison, dégénèrent, échangeant les bénéfices de l'activité contre les jouis-