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SOUVENIRS D'ALGER 549 seinents humains se mêlaient à des hennissements de chevaux. Une lune pâle au front d'un ciel brouillé éclairait d'un demi-jour sinistre l'immobilité des cadavres et l'agitation des blessés sur un sol noir de sang, labouré par les projectiles. Des patrouilles prus- siennes passaient. L'une d'elles s'arrêta près du groupe que formaient le nègre et son maître mort, l'offlcier croassa quelque chose en teuton, le nègre releva un instant son visage baigné de larmes, regarda sans voir, et, se remit à pleurer. Un violent coup de pied le fit se dresser brusquement, ramassé sur lui-même, prêt à bondir, les deux mains en avant ; jamais le sujet de l'empereur Guillaume, l'aimable baron Von Schlaguen n'avait encore couru pareil danger; heureusement pour lui, les hommes de patrouille croisèrent à temps la baïonnette; alors, bien à l'abri, il put se servir de son grand sabre et en frapper courageusement le colosse sans défense qui tomba, la cuisse droite déchirée. Elle guérit, la patte à Coco, grâce à sa vigueur extraordinaire, grâce au dévouement des médecins qui s'ingéniaient à raccommoder ce que leurs concitoyens en casques pointus s'ingéniaient à casser, elle guérit, mais elle resta pour toujours ankylosée et retardataire.