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536                 LA REVUE LYONNAISE
plainte. Le Conseil général d'Alger a formulé, récemment et à plu-
sieurs reprises, un vœu tendant à interdire d'une manière absolue
la vente du kif, l'administration n'a pas pensé qu'il fût possible
d'y faire droit et s'est bornée à appeler de nouveau sur les éta-
blissements publics la surveillance de ses agents, surveillance
insuffisante, car les « hachaïchis, » se réunissent le plus souvent
au domicile de l'un d'eux.


    Ce qu'étaient jadis les « Aïssaouas », et comment ils se ratta-
chent à Jésus-Christ dont ils se prétendent les descendants, j'ima-
gine, vous jugeant d'après moi, que vous n'êtes guère curieux de
le savoir. Ce qu'ils sont aujourd'hui, je vais vous le dire. Un ra-
massis de charlatans et de fanatiques, plus de charlatans que de
fanatiques, experts dans l'art de se faire des revenus avec des
grimaces, grâce à la colonie sans cesse renouvelée des étrangers
naïfs. C'est généralement le vendredi soir, dans une des ruelles
avoisinant la prison civile et dans une salle quelconque louée ou
prêtée pour la circonstance, que se donne la représentation. A la
lueur d'un grand cierge planté droit au milieu et de deux ou trois
lampes accrochées à la muraille, une demi-douzaine de porte-tur-
bans, accroupis vis-à-vis des spectateurs, chantent en s'accompa-
gnant sur des tambourins qu'ils élèvent et abaissent en cadence.
Le chant que je me fais traduire exalte la puissance de Dieu,
celle de Mahomet et implore leurs faveurs, « Dieu, notre maître,
Mahomet, son prophète, faites que nos yeux voient loin et long-
temps, que nos bras soient forts, nos jambes agiles et nos ventres
pleins. Rendez-nous riches, débarrassez-nous de nos ennemis,
accomplissez tous nos désirs! » Très réalistes, comme vous voyez,
ces paroissiens-là ! Quand un couplet est fini, ils le recommencent,
c'est d'une assoupissante monotonie. L'accompagnement sur une
mesure alternée à deux, trois et quatre temps, me semble plus
sauvage que capiteux ; rien autre, au moins en apparence, pour
entraîner les artistes, je ne serais pas surpris qu'il y eût de l'ab-
 sinthe ou du kif dans les coulisses. Ils arrivent, d'abord, un à un,
 puis, par groupes, se placent entre l'orchestre et les spectateurs,
 ôtent leurs turbans, battent des entrechats d'une frénésie crois-