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SOUVENIRS D'ALGER , 349 les cabarets de la banlieue », et tandis que sa dextre s'étendait me- naçante vers le jeune accusé confus, les douze bons boutiquiers, transformés en magistrats, se regardaient entre eux, échangeaient des signes, et se passaient la langue sur les lèvres d'un air qui vou- lait dire : « En voilà un qui ne se refusait rien : des femmes per- dues, des étourneaux, des orgies d'etourneaux, quel gaillard! » Nous avons lebecfigue, l'ortolan; ils ont l'étourneau ! Dieux puis- sants, dieux vengeurs, de quels crimes punissez-vous cet infortuné pays! Le poisson, moins ferme, moins savoureux que celui de nos côtes, que celui de l'Océan surtout, se rencontre difficilement à l'état frais; le syndicat de Juifs et de Maltais qui en monopolise la vente, ne le cède à des prix abordables qu'après l'avoir laissé se décomposer sur les tables malpropres de la pêcherie. Des légumes plus précoces et plus gros que les nôtres, mais infiniment moins fins, et pas bon marché du tout. « Jamais on n'avait vu les denrées alimentaires atteindre les prix actuels; aux marchés de Chartres et de la Lyre, les pommes de terre les plus ordinaires coûtent cin-' quante centimes le kilo. Les autres légumes sont inabordables. » (Extrait du Petit Colon, numéro du 30 avril 1883). Ni pommes, ni poires, ni pêches, ni cerises, des fraises inférieures, des abricots et des figues qui sentent l'eau, d'énormes raisins à peau dure qui ressemblent comme goût à des groseilles à maque- reau macérées dans le sucre ; la mandarine est le seul fruit pos- sible. De l'huile, du vinaigre, de la margarine d'exportation, c'est- à -dire fabriqués par des droguistes au lieu de l'être par des chimistes; de l'eau saumâtre qui réclame le filtre, du vin à l'état de promesse. On m'affirme que la nourriture est moins mauvaise dans les deux autres provinces, je n'y suis point allé voir. Je connais un moyen, un seul, démanger proprement à Alger, c'est de faire venir son vin de Bordeaux et de Bourgogne, ses conserves de Paris, ses pâtés du Périgord, sa charcuterie de Lyon et de Bayonne, son beurre de Bretagne, et son fromage de Brie. Le moyen est très pratique, surtout depuis l'organisation des colis postaux, il •demande seulement une cinquantaine de mille francs de rente. Ce n'est pas uniquement la nourriture qu'il faut chercher en France, c'est aussi le service : bonne d'enfants, nourrice, femme de chambre, cuisinière, cuisinière surtout. Si vous connaissez là -bas une artiste