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                                 BIBLIOGRAPHIE                                        317




                       PUBLICATION FÉLIBRÉENNE

      LOU LUTRIN DE LADÈR, boufounado en trcs estapétos, par ACHILLE Mm,
       avec préface de Roumanille, traduite en regard, illustré par N. Sallières. —
       Un vol. gr. in-8.— Avignon, Roumanille. Paris, Maisonneuve. — Prix : 3 fr.

     Voici la seconde édition, parue d'hier et en voie de ne pas suffire, d'un livre
 jeune de trois années qui a remporté dans le pays de Garcassonne les suffrages
 unanimes des paysans et des lettrés.
    M. Achille Mir est un poète, un de ces chanteurs de nature qui sont si rares
 dans les littératures modernes, si fréquents dans le félibrige.
    Il a débuté, il y a quelques dix ans de cela, par un charmant recueil de
 poésies languedociennes, La Cansoun de la Lauseto,que Mistral jugea très fa-
 vorablement, dans une courte préface aussi exquise que le félibre de Y Alouette
 pouvait la désirer.
    Le maître comparaît poétiquement à l'apparition des étoiles au crépuscule,
 l'embrasement progressif du ciel de la renaissance. « Aujourd'hui, disait-il,
 c'est le tour du dialecte carcassonnais, et le brave soldat qui plante sur les tours
 de Garcassonne la banière des félibres, se nomme Achille Mir. » Mais c'est à son
 village natal Escalos que notre poète doit ses premières impressions et de là ses
 meilleures inspiration?, plutôt qu'à la vieille cité, (si remarquable encore par
 son aspe«t gothique et féodal), où il a fait l'apprentissage du raisonnement et
 de la vie l .
    Il diffère sur ce point de son ardent ami, Auguste Fourès, dont il eut l'hon-
neur d'être le parrain en, félibrige, et qu'une vie trop exclusivement citadine
 (nous ne parlons que de ses débuts) avait pénétré, par la contemplation de ces
monuments d'un passé malheureux, de l'esprit même de ce passé. Si les glo-
rieux remparts de Carcassonne figurent dans l'œuvre d'Achille Mir, à peine si
c'est pour justifier son regret poétique de voir employées à leur reconstruction
des sommes dont languissent les pauvres...
    N'allez pas croire, cependant, que le sentiment artistique manque au félibre
de VAlouette. C'est un art plus lumineux, plus ensoleillé qu'il lui faut. Comme
Aubanel, avec moins de puissance toutefois, il a dans sa manière un je ne sais
quoi d'oriental qui donne à sa langue elle-même un accent hautement personnel.
L'Iroundelo,     la Flour e Ion brin d'erbo, et surtout lou Boutou de Roso j u s -
tifient notre assertion. Cette dernière pièce me remémore étrangement les orien-
tales allemandes de Bodenstedt, Die Lieder von Myrza Scliaffy. On lui donnerait
pour épigraphe le quatrain bien connu : Dornrôslein, blùW nicht so geschwind...
Ce genre tout de délicatesse et de fantaisie que notre poète pourrait bien tenir
d'une origine espagnole — il y a quelque chose de castillan sur ce visage
fier et rayonnant — lui va cent fois mieux que l'ode monotone qu'il aborde


 1
   II y fut directeur de VÈcole normale, avant d'être mis à la tète de l'importante
manufacture    de la Trivalle, qu'il dirige encore aujourd'hui.